Nice-Matin (Cannes)

Beauté du diable à fleur de peau

Dans son premier livre, # Fuck les complexes, publié aux éditions Amphora, l’ex-miss France se livre sur son mal-être et les dangers des réseaux sociaux. Elle témoigne de son incapacité à s’aimer et donne des pistes.

- RAPHAËL COIFFIER rcoiffier@nicematin.fr

Au bout du téléphone, il y a votre voix. Fauve. Vos mots, un peu en désordre. Des silences, mâtinés de sens. Parfois des rires, solaires, votre arme maîtresse pour balayer le stress de vos confidence­s, couchées, à la lune assoupie, sur les feuilles blanches de votre âme.

Il vous en aura fallu du courage pour dépasser les apparences. Rêver, à l’encre du sang, que vous pouviez vous aimer. Que votre beauté du diable n’était pas un fardeau, mais un cadeau.

Aux premières lignes tremblante­s de ce livre en constructi­on, vous avez désobéi à votre nature. Raconté. Le « Je » à la proue de vos émotions. « Beaucoup de moi et ça m’a fait du bien. »

Raconté les blessures de l’enfance. Les gestes déplacés de l’aigle noir, fils déviant de votre nounou. Vous n’aviez que 5 ans. « C’est difficile d’évoquer ces passages de ma vie. Plein de gens ne sont pas au courant… », ditesvous. Or, vous avez déterré ce passé. À la plume. Cherchant chez cette fillette les premiers petits cailloux de votre désamour. De votre incapacité à chasser les idées sombres et sournoises.

Malika Ménard n’était qu’une enfant de Caen. Une brindille qui se voulait déjà bûcheron. Puis une ado, comme tant d’autres, en quête d’identité. De repères. « J’ai eu du mal à me construire. J’ai essuyé des échecs… »

Au fil des pages, elle a affronté les vieux démons de sa jeunesse. De nouveau. « Ceux-là mêmes qui continuent chaque nuit de me réveiller comme un rendez-vous impossible à annuler », écrit-elle, en préambule de sa confession.

Un long voyage à la Baudelaire. Où le spleen souvent, s’invite au balcon de cette fleur du mal qu’un règne viendra, un temps, laver de ses complexes pesants. Et si impensable­s aux yeux du commun des mortels…

Le tourbillon de la notoriété

« Ce n’est pas parce qu’on est belle, qu’on se sent bien, épanouie » ,se défend Miss France 2010. Cette élection, à Nice, un morceau de reine. Une brève parenthèse enchantée, pour cette prisonnièr­e de la pudeur, à laquelle elle consacre un long chapitre. Enfin en couleurs. Une aquarelle. « À 20 ans, se retrouver en situation de concurrenc­e face à une trentaine de jeunes femmes élancées au visage angélique est forcément déstabilis­ant. Pour moi, eu égard à mon passif, c’est assez violent ! » Mais Malika assure, jusqu’au sacre. « Je ne savais plus où j’étais. Cette joie est impossible à vivre une seconde fois… »

Sur l’instant, la nouvelle fiancée des Français pense à rendre son écharpe pailletée. « Une seconde », car naît ensuite le tourbillon de la notoriété. L’envol du cygne. Tellement sollicité. « J’ai gagné des années de boulot, de psychothér­apie. J’ai grandi, suis sortie de ma timidité maladive. Mais ça a été un combat. » Sauf qu’au bout d’un an, le loup croque le conte de fées. Et resurgit la peur de l’abandon. « Il y a eu un avant et un après, c’est clair. On s’habitue à être reconnu dans la rue. »

Sur les conseils de son père, elle reprend le chemin de l’école, opte pour le journalism­e. « Je dois encore justifier que j’ai le droit d’être ici. Ça ne durera qu’un temps… » Elle ne rechute pas. Pas là. Seul l’amour est assassin, la fuit. À moins qu’elle ne le fuie.

« Plus je cherchais à être aimée, plus je finissais par me détester. Ce qui me manque aujourd’hui à 33 ans ? Un mari, des enfants. Une famille solide ! »

Grands témoins au féminin

Un alter héros. Des fondations. Que l’animatrice s’en est allée peut-être chercher sur les réseaux sociaux. Ces miroirs sans « teint » « dont je ne pourrais pas me passer. Pourtant, à trop me comparer, je ne pouvais non seulement pas m’accepter mais, de surcroît, j’ai fini par me nier totalement… »

Le système est vicieux. Sans filtre. Lui fait du bien et à la fois du mal. « Mais c’est une manière pour moi de m’adresser aux gens. Ils peuvent me voir sous un autre angle. Instagram permet aussi d’exister… » De durer dans une époque hyperconne­ctée. Durer et s’affirmer. S’affirmer et mettre en garde également. « Les réseaux, tels que Facebook, Twitter, Instagram, peuvent nous aider. Mais ils ne sont qu’un outil. Ce qui aura de l’impact, c’est ce que nous en faisons. Et cela passe aussi par l’apprentiss­age, celui de savoir se déconnecte­r pour se retrouver seule avec soi-même. » Ainsi Malika conclut-elle la première partie de son ouvrage. Offrant la seconde à de grands témoins au féminin. Des influenceu­ses, des artistes, d’anciennes miss, des mannequins, des candidates de téléréalit­é… « Je voulais que ça parle à tout le monde. Je suis allée à leur rencontre pour comprendre ce qu’elles vivaient. » Comment elles vivaient leur surexposit­ion sur la toile, comment elles dépassaien­t la complexité de leurs complexes. Bref, comment elles s’affirmaien­t femme.

Une façon détournée de s’allonger sur le divan, de s’apprivoise­r grâce à la parole des autres. Celle de médecins notamment, dont Malika Ménard a également poussé la porte. Pour enfin dire «fuck» à ses complexes. Pour aider aussi tout un chacun dans cette démarche si personnell­e. En tout cas, l’écriture a rallumé sa petite flamme de femme. « Après avoir baigné dix ans dans le superficie­l, je me sens mieux aujourd’hui. Ce livre m’a fait du bien et j’espère qu’il fera du bien. C’est ma vérité. »

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Ce n’est pas parce qu’on est belle, qu’on se sent bien”

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À trop me comparer, j’ai fini par me nier totalement”

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#Fuck les complexes. Malika Ménard. BOLD/ Amphora.  pages. , €.

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