Nice-Matin (Cannes)

Auguste Renoir, au-dessus des toits niçois

Depuis son appartemen­t niçois, le peintre, dans ses dernières années, a représenté le vieux Nice, avec un regard attendri vers le cimetière où reposait sa femme.

- ANDRÉ PEYRÈGNE nous@nicematin.fr

Il était fatigué, vieilli, usé, Auguste Renoir lorsqu’en 1911, à soixante-dix ans, il décida de louer un appartemen­t à Nice. Il habitait depuis quatre ans à la villa des Collettes, à Cagnes, au milieu des oliviers. Ici, il serait plus près des médecins pendant l’hiver, tout en gardant à Cagnes son port d’attache. Il trouva à se loger au 1 rue Alfred Mortier, dans un appartemen­t appartenan­t à la famille Roumieux, situé au deuxième étage de l’immeuble. Il séjourna là durant huit hivers, dont quatre pendant la guerre. Son fils Claude fréquentai­t le lycée Masséna, tout proche.

Tour Saint François

Que voit-il, Auguste Renoir, depuis sa chaise roulante, en ouvrant la fenêtre ? La tour Saint François, hardiment dressée au milieu du foisonneme­nt des toits du Vieux Nice. Ce spectacle exubérant, coloré, ne demande qu’à être peint. Renoir en fera le tableau que voici, intitulé Toits du vieux Nice, conservé aujourd’hui au Musée Renoir de Cagnes.

En 1922, les fils de Renoir ont offert ce tableau aux Roumieux, trois ans après la mort de leur père. La fille Roumieux, sans descendanc­e, en fera don à la Fondation Pauliani, laquelle le vendra aux enchères en 2010. La ville de Cagnes, aidée par la Région, l’acquerra pour 185 000 euros. Beauté ocre et rougeoyant­e des toits du Vieux Nice ! On admire le chevauchem­ent des façades et des toits qui surgissent dans une féerie de couleurs. Bien sûr, la tour Saint-François attire le regard – ancien clocher du couvent des Franciscai­ns racheté par la ville à la Révolution pour en faire une horloge publique.

« On sent ici l’influence de l’impression­nisme dans le traitement de la lumière et dans l’adoucissem­ent des contours », commente Floriane Berdah-Palazon, médiatrice au musée Renoir.

Ange blanc

Mais, en peinture comme en toute chose, les éléments les plus visibles ne sont pas forcément les plus importants.

Voyez la forme ailée qui apparaît en blanc entre les deux cyprès, au fond. Renoir l’a dessinée sur la colline du cimetière du Château. C’est dans ce cimetière que fut enterrée Aline, la femme de Renoir, lorsqu’elle mourut à Nice en juin 1915. Elle fut inhumée dans le caveau des Roumieux. Trente-cinq ans de vie commune avec Aline, comme modèle puis épouse, s’étaient achevés. Par ce coup de pinceau, Renoir, au coeur de sa solitude, adresse sans doute à sa femme un message secret d’amour éternel. Selon Floriane Berdah-Palazon, la forme de ces ailes aurait été inspirée à Renoir par les anges de pierre qui se trouvent sur la spectacula­ire tombe de François Grosso (1), au cimetière du Château. Quatre ans après sa femme, Renoir, mort à Cagnes le 3 décembre 1919, rejoindra son épouse au cimetière niçois.

En 1922, leurs deux dépouilles seront transférée­s à Essoyes, village natal d’Aline. Depuis, les toits du Vieux Nice continuent à apparaître dans la lumière. Mais, au numéro 1 de la rue Alfred Mortier, Renoir n’est plus là pour en percevoir la féerie…

Un message secret d’amour éternel adressé à Aline...

1. Directeur de la Caisse d’Epargne, président du Tribunal de Commerce, important donateur d’immeubles à la ville.

C’est en  que Renoir s’installa à Cagnes-sur-Mer, le climat de la région étant favorable à sa santé. Après avoir connu plusieurs résidences dans le vieux village, Renoir fait l’acquisitio­n du domaine des Collettes afin de sauver les oliviers qui étaient menacés de destructio­n. Sa femme y fit bâtir la maison dans laquelle il allait passer les vingt dernières années de sa vie. Si son port d’attache demeurait Cagnes, il ne séjourna pas moins, durant l’hiver, dans l’appartemen­t loué à Nice. La polyarthri­te empirant, il fut condamné à la chaise roulante et à avoir ses mains déformées.

Les années de guerre lui apportèren­t des drames personnels : ses fils, Pierre et Jean, furent blessés, sa femme mourut. Il continuera, malgré tout, à peindre jusqu’à son dernier jour où, en , à Cagnes, sur son lit de mort, il demanda une toile pour pouvoir peindre le bouquet de fleurs qu’il voyait sur le rebord de sa fenêtre.

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par Auguste Renoir. Musée Renoir à Cagnes-sur-Mer.
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