Nice-Matin (Cannes)

Le couvre-feu aura-t-il un impact ? Les infectiolo­gues doutent...

Sensibilis­er au nécessaire renfort des mesures barrières, notamment au sein du cercle familial, et limiter l’accidentol­ogie : ce sont les deux principaux intérêts du couvre-feu selon les infectiolo­gues

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Si aucune voix ne s’élève pour contester la mise en place d’un couvre-feu dans le départemen­t, on entend s’exprimer une forme de lassitude parmi les profession­nels de santé en première ligne dans la lutte contre la Covid-19. « Nous ne sommes pas là pour commenter les décisions politiques. On s’incline. Mais est-ce vraiment la solution ? Un couvre-feu à 21 h aura-t-il un impact réel ? » interroge ainsi le Pr Michel Carles, chef du service d’infectiolo­gie du CHU de Nice. Selon le Dr Eric Denis, son homologue à l’hôpital d’Antibes, « il fallait mettre en place cette mesure ». Mais il avoue, lui aussi, douter de son efficacité, alors que son service est déjà à saturation et contraint de transférer des patients Covid à la polycliniq­ue SaintJean de Cagnes-sur-Mer. « N’est-ce pas déjà trop tard ? Et puis, pourquoi ce choix de 21 h, et pas 20 h ou 22 h… »

Sensibilis­er à la gravité de la situation

Selon le Pr Carles, la mesure adoptée aurait deux intérêts « indirects » : « Elle permet de faire passer le message que la situation est grave, qu’il est impératif de renforcer les mesures barrières dont on sait qu’elles sont efficaces, lorsqu’elles sont bien appliquées. La sensibilis­ation des familles – les réunions privées sont une source importante de contaminat­ion – et le travail de pédagogie ne doivent pas faiblir. Par ailleurs, le couvre-feu, en limitant la vie nocturne, devrait logiquemen­t réduire l’accidentol­ogie, vecteur important de patients en réanimatio­n. » Concernant l’impact de la mesure sur la circulatio­n du virus, il est beaucoup plus circonspec­t, regrettant que les jeunes soient encore une fois dans le viseur et rappelant que « les principaux lieux de contaminat­ion restent les entreprise­s – d’où l’importance de favoriser autant que possible le travail à distance – les réunions familiales et les lieux de concentrat­ion comme les EHPAD. »

La prévention pas la coercition

Si les infectiolo­gues décrivent tous deux une situation très préoccupan­te – mais « pas incontrôlé­e » –,ilsnedéfen­dent pas pour autant des mesures plus strictes, à l’instar d’un confinemen­t – évoqué par le Premier ministre en cas d’aggravatio­n : «Sionmet toute la population sous cloche, oui le virus ne circulera plus. Mais au prix de quelles conséquenc­es dramatique­s ?, argue le Pr Carles. La médecine est par essence humaniste. Elle ne se préoccupe pas seulement des courbes d’évolution de l’épidémie présentée par les ARS, elle s’inquiète aussi des effets très néfastes des mesures coercitive­s sur la santé. La médecine contre la Covid doit être une médecine de prévention ; elle ne doit pas passer par la coercition. » Sauf bien sûr, situation dramatique. Mais, le pire n’est pas toujours certain.

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« La médecine ne se préoccupe pas seulement des courbes d’évolution de l’épidémie », insiste le Pr Carles. (Photo AFP)
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