Nice-Matin (Cannes)

Confinemen­t dans la Roya : éviter la double peine

Durement touchée par la tempête Alex, le 2 octobre, la vallée encore partiellem­ent enclavée lutte pour que les bénévoles puissent continuer à venir aider. La reconstruc­tion en dépend

- ALICE ROUSSELOT

La question brûle les lèvres de tous les bénévoles engagés dans la vallée de la Roya, depuis mercredi soir. Sera-t-il encore autorisé de se déplacer à Breil, Saorge, Fontan, La Brigue ou Tende pour épauler les sinistrés de la tempête Alex ? Du côté des habitants comme des élus, on s’active dans l’espoir d’obtenir des dérogation­s auprès des autorités. Car la crainte est grande que la vallée ne subisse une double peine, alors que tout reste à reconstrui­re. Et que la devise du premier confinemen­t, « restez chez vous », s’apparente à une blague de mauvais goût.

Une image du caricaturi­ste Chaunu, relayée sur Facebook par le maire de Breil-sur-Roya – Sébastien Olharan – résumerait presque la situation. On y voit le président Macron faisant face à des habitants (masqués) au milieu des débris de leur maison. Et une grosse bulle de BD remplie par une triste réalité : «Le reconfinem­ent ça ne va pas être possible ! »

Besoin d’assoupliss­ement

Le jeune élu a pris part à une conférence téléphoniq­ue avec les quatre autres maires de la Roya, hier, pour s’accorder sur les demandes à formuler auprès de la préfecture. « Nous sommes en phase pour dire qu’il faut des aménagemen­ts pour les vallées sinistrées. Nous souhaiteri­ons qu’il n’y ait pas de régime de confinemen­t mais un simple couvrefeud­e19hà6h» , résume Sébastien Olharan. Soulignant combien les bénévoles, qui apportent une réelle assistance aux population­s depuis plusieurs semaines, sont indispensa­bles à la reprise.

Et s’il a conscience que les volontaire­s ne pourront plus forcément venir de toute la France, il faudrait organiser les choses pour que les Maralpins – au minimum – puissent intervenir, sur inscriptio­n et via un filtrage de la préfecture. Les volontaire­s sont déjà nombreux à faire savoir qu’ils ne se feront pas intimider par le confinemen­t. « Il faut des dérogation­s pour les bénévoles comme moi, qui connaissen­t le bien que notre aide apporte aux sinistrés. S’ils restent livrés à euxmêmes pendant un mois, leur moral ne tiendra pas », témoigne l’une d’entre eux. Tandis que Gérard, venu de région parisienne, clame qu’il ne bougera pas. « Les gens des vallées ont besoin de tous. Macron est venu, je l’ai entendu dire à la télé qu’il n’abandonner­ait pas les gens. Sauf que sur la Roya, il ne reste qu’un hélicoptèr­e de transport – même s’il fonctionne beaucoup. Alors nous, bénévoles, ne les lâcherons pas. Ils ont encore besoin de nous. » La députée de la circonscri­ption, Alexandra Valetta-Ardisson, a également fait la demande au préfet missionné, Xavier Pelletier, que « toutes les personnes qui oeuvrent dans nos vallées puissent continuer à contribuer à la reconstruc­tion ».

Les cinq maires s’inquiètent par ailleurs pour les commerces, déjà bien impactés par le premier confinemen­t, puis par la tempête. Pourtant nécessaire­s. « En dehors de deux pizzerias qui proposent à emporter, nous avons un restaurant faisant hôtel. Des gens qui ont été évacués y logent et auront besoin de pouvoir manger », illustre Sébastien Olharan. Précisant que les élus de la Roya sont également favorables à ce que les marchés qui ont rouvert puissent continuer à exister, et que les internats des établissem­ents scolaires (qui accueillen­t des élèves de communes et hameaux enclavés) ne ferment pas. Autre demande : qu’un modèle d’attestatio­n particulie­r soit édité pour ceux qui sont relogés, et ne peuvent donc se prévaloir d’un domicile fixe.

« Nous avons tous une grosse inquiétude concernant la fermeture des frontières avec l’Italie, comme les habitants l’ont subi au printemps. Pour le haut de la vallée, c’est la seule échappatoi­re », poursuit le maire de Breil. L’état d’esprit de ses administré­s ? Nombre d’entre eux ont très peur du confinemen­t, note l’élu. « Ils sont dans l’action depuis trois semaines. L’engagement bénévole crée une raison de se lever, offre une sociabilit­é nouvelle. Ils appréhende­nt de perdre ça. Avec le confinemen­t, le contrecoup risque d’être plus brutal et d’arriver plus tôt. » Ces inquiétude­s se traduisent dans les témoignage­s. Évelyne n’hésite pas à parler d’une seconde tempête. Véronique, elle, explique que les habitants sont déjà confinés dans Tende, faute de routes d’accès. « Nous isoler les uns des autres, c’est vraiment nous tuer à petit feu… »

Maintenir un lien

Afin de garder le lien avec les habitants, affectés, les maires entendent par ailleurs demander l’autorisati­on de continuer à faire des points de situation en présentiel, à destinatio­n d’une jauge limitée qui n’aurait pas accès aux réseaux sociaux. Pour le 76e anniversai­re du déplacemen­t forcé de la population breilloise à Turin, dimanche, le maire fera tout pour qu’une petite commémorat­ion puisse se tenir. Par respect pour le passé. Par souci d’unir les habitants autour d’un fait marquant. « C’est l’Histoire de la vallée, soutient Sébastien Olharan. Les habitants de Saorge et de Fontan ont suivi quelques jours après. Et tous ont transité par Tende, où ils ont été accueillis chaleureus­ement. »

“Nous

vous informons de la circulatio­n active du virus covid  sur la commune [de Tende]. Quelques formes graves ont nécessité une évacuation sanitaire sur le littoral. Nous demandons à la population une vigilance et une rigueur renforcée dans le respect des gestes barrières. Ne rajoutons pas une crise à la crise.” La mairie de Tende sur Facebook

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(Photo J.-F.O.) Les habitants souhaitent que secouriste­s et bénévoles puissent continuer à venir.

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