Nice-Matin (Cannes)

L’Ailleurs par Gérard Depardieu

Un cinquième livre pour l’un des plus grands acteurs français vient de paraître. Dans ce testament spirituel, Depardieu exprime sa pensée sur de nombreux sujets. Un texte juste et passionnan­t.

- ALAIN MAESTRACCI amaestracc­i@nicematin.fr

On en a dit beaucoup sur Gérard Depardieu. Pas tout mais beaucoup. Parfois, consciemme­nt ou pas, avec malice ou pas, il a prêté le flanc à la critique. Mais si on a dit beaucoup, lui avait encore des choses à nous dire, à nous écrire plus précisémen­t.

À soixante et onze ans, après avoir vécu plusieurs vies, beaucoup de vies, ici et ailleurs, justement, on peut dire qu’il sait de quoi il parle. Et la vie lui est si chère car il a failli ne pas la connaître, comme il l’explique dans le premier chapitre. Quand sa mère a essayé de ne pas le faire venir au monde en utilisant des aiguilles à tricoter. Mais voilà, écritil, « je suis comme la mauvaise herbe : je vais partout, je pousse partout. Et aucun Roundup ne pourra jamais me détériorer ». Alors oui, il est « parfois un innocent, parfois un monstre. Tout ce qui est entre les deux ne m’intéresse pas. Tout ce qui est entre les deux est corrompu. Seuls l’innocent et les monstres sont libres. Ils sont ailleurs ». Le ton est donné ! Certains pourront voir Gérard Depardieu comme un gros bourru qui s’empiffre et boit du vin ou de la vodka mais, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a oublié d’être con. D’ailleurs, un homme qui était l’ami de Barbara et qui lui rend si bien hommage dans un spectacle magnifique ne peut pas l’être.

Mais revenant à cet Ailleurs. L’ailleurs, cette petite distance qu’il faut trouver

‘‘ pour rester profondéme­nt humain.

Son texte est fichtremen­t bien écrit, pensé. On se délecte de cette espèce de testament spirituel qu’il nous livre page après page. Gérard se confie sur ses amitiés, ses voyages, ses amours, ses plaisirs, ses détresses, ses indignatio­ns. Sur lui aussi. Ainsi il écrit : « Mon regard d’enfant n’a pas changé. Il est peut-être plus jaune qu’avant, parce que le foie est plus fragile, mais c’est tout. »

« J’aime aller jusqu’au bout même si c’est ridicule »

Sur son caractère entier qui lui a parfois valu quelques foudres intellectu­elles, il dit : « J’aime l’abondance, les excès, j’aime la tragédie, la comédie, j’aime aller jusqu’au bout, même si c’est ridicule, et tant mieux si c’est ridicule. » Plus loin il dit que « seul l’imprévu [l]’attire ». Et, en effet, il peut être imprévu. Dans une interview accordée à nos confrères de TF1, Depardieu plaide pour les autres, pour un monde plus accueillan­t, sans mur par exemple. Le fameux monde d’après ? Et il enfonce le clou : « Les migrants, ils vont « Je vais être diorisée ! Oui, habillée de Dior. Chignon, make-up, talons. Je tiendrai en laisse un caniche royal et me promènerai au rayon beauté, l’air pimbêche à mort. Mon rêve d’enfant se concrétise : rester enfermée dans un grand magasin. Deux nuits de répétition. Les models, cinq ladies d’âge mûr – comme on dit au rayon fruits et légumes – dont moi, ont passé des heures sur un escalator en marche. Un show somptueux se prépare. Moi qui n’ai jamais fait de spectacle de ma vie, sauf Cendrillon à l’école primaire, j’exulte... »

Londres, Upper Street. Sylviane, fraîchemen­t débarquée de France, cinquantec­inq ans, cheveux blancs et silhouette de jeune fille, est repérée en 2013 lors d’un casting sauvage. Sa vie prend un virage à angle droit.

Castings, shootings et défilés se suivent et ailleurs. La France, le pays des Droits de l’Hommes devrait les accueillir. La France, ils vont faire des murs maintenant, comme l’autre Trump... Ce n’est pas être vivant que de faire des murs. »

Ça y va ferme ! Il y va franco. Il dit également qu’il n’aime pas les politiques, qu’il ne les a jamais aimés : « J’ai toujours détesté les politiques, car je déteste que l’on s’occupe de moi. » Par exemple, il n’aime pas du tout les écologiste­s : « Je n’aime pas les écolos car je n’aime pas leur esprit. C’est un nouveau parti politique qui s’occupe encore de vous comme si vous n’étiez pas capable de savoir qu’il faut respecter la nature », a-t-il affirmé à nos confrères du Figaro. Mais il est également philosophe : « Ce que la vie nous offre est infini. On ne le prend que rarement. On préfère se poser des questions. On est formaté pour ça. »

Les réflexions de Depardieu sont exprimées par thèmes dans des chapitres courts. Que l’on peut ne se ressemblen­t pas. Désormais model, elle découvre la fashion sphère et ses paillettes. Les excentrici­tés de la capitale britanniqu­e, sa population bigarrée et sa liberté face aux convention­s l’enchantent : elle s’y sent comme chez elle. Mais, pendant ce temps, en Sologne, son père se meurt et sa mère s’épuise. La vraie vieillesse tisse sa toile…

Dans Moi, vieille et jolie, Sylviane Degunst dévoile, avec humour, les coulisses du mannequina­t, et livre une vision décalée du temps qui passe, sur fond de culture so british.

Après avoir été professeur­e de français en Haïti, auteure jeunesse et éditrice à Paris, Sylviane Degunst est aujourd’hui mannequin à Londres. Au fil de deux cent quarante pages au rythme soutenu et riches d’anecdotes parfois croustilla­ntes, elle donc grappiller à l’envi, à n’importe quel moment de la journée. On peut ne pas toujours être d’accord mais force est de reconnaîtr­e que c’est assez juste. Et, répétonsle, carrément bien écrit. décrit un univers atypique. Propre aux Anglais. Et, surtout, fait un joli pied de nez au temps qui passe. Prouvant que quelques rides n’ont pas toujours raison des rêves glamours les plus fous. Amazing, Sylviane... R. C.

Ce que la vie nous offre est infini”

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 ??  ?? Moi, vieille et jolie. Sylviane Degunst. Éditions Cherche Midi.  pages.  €.
Moi, vieille et jolie. Sylviane Degunst. Éditions Cherche Midi.  pages.  €.

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