Nice-Matin (Cannes)

Lous and the Yakuza à Gore et à cris

Sur son premier album, la Belgo-Congolaise de vingt-quatre ans affiche une étonnante maturité et assume son ambition XXL. Pas le temps pour les regrets...

- Jboursicot@nicematin.fr

Elle a tout d’une grande, et les auditeurs francophon­es ne sont pas forcément les premiers à s’en rendre compte. Qu’importe, les regards seront bientôt tous braqués sur elle. Plébiscité­e du côté des États-Unis, là où Jimmy Fallon l’a récemment invitée dans son Tonight Show sur NBC, là où Alicia Keys raffole de ses chansons balançant entre pop, hip-hop et R’n’B, Lous and the Yakuza ne jure absolument pas dans le décor. Son premier album, Gore, vient à peine de sortir. Mais Lous, une anagramme de soul est convaincue d’être armée pour les grandes conquêtes. Le « Yakuza » de son pseudo fait référence à ceux qui oeuvrent dans l’ombre pour lui permettre d’entrer dans la lumière. Signée sur le prestigieu­x label Columbia, elle peut compter sur une équipe qui gère son image, ses chorégraph­ies

‘‘ et sa direction artistique au millimètre. Le plus illustre membre de cette clique est sûrement le producteur espagnol El Guincho, l’homme qui a contribué au succès internatio­nal de sa compatriot­e Rosalía. « Certains pensent que j’ai trop d’ambition. C’est juste que je n’ai pas le temps de passer à côté de ma chance », avance la chanteuse.

Sombre et lumineuse

Le monde de Lous, née Marie-Pierra Kakoma, est assez intrigant. Parfois très sombre, avant de devenir lumineux sans crier gare. Comme son ami Damso, elle sait enrouler les mots doux dans des barbelés. Il lui arrive de citer un tableau du Bernin datant du XVIIe siècle, L’Extase de Sainte Thérèse, pour décrire son amour pour « la représenta­tion des paradoxes, entre bien-être infini et douleur ». Chez elle, la seconde sensation semble l’avoir longtemps emporté, avant de laisser l’apaisement et la joie se frayer un chemin.

Fille d’une Rwandaise et d’un Congolais, tous deux médecins, elle a vu le jour en 1996 à Lubumbashi. En plein conflit armé, le Zaïre n’allait pas tardé à être rebaptisé République démocratiq­ue du Congo. Après un crochet par la Zambie, ses parents émigrent en Belgique quand elle a quatre ans, puis partent vers le Rwanda pour des missions humanitair­es. Marie-Pierra a quinze ans quand elle, ses parents et ses trois frères et soeurs retournent en Europe.

Le fun et la forme

Élève studieuse, elle est de plus en plus accaparée par la musique. Un clash familial plus tard, elle se retrouve à la rue. Dépression, maladie qui ronge son entourage et petits trafics escortent son adolescenc­e. «Ma vie a été d’une brutalité sans fin. Tellement difficile que je préfère en rire qu’en pleurer », élude l’artiste dans Les Inrockupti­bles.

Sur Gore, elle détaille aussi une histoire de viol avec Quatre heures du matin, adoptant tour à tour le point de vue de la victime, puis de son agresseur. Comme Solo ou Courant d’air, les paroles ont été inspirées par des travailleu­ses du sexe et leurs souteneurs. Sur fond de trap et d’instrument­ations aux influences multiples, Lous and the Yakuza parvient à aborder des thèmes forts avec un grand sens de l’entertainm­ent. À commencer par sa couleur de peau. « On associe trop souvent les Noirs à la guerre, à la famine, à la pitié, à la drogue, à la peur... Je veux montrer des Noirs heureux, beaux, forts et fiers », martelait-elle durant une interview pour Numéro. Prônant un féminisme inclusif, elle aimerait « donner un exemple sans être exemplaire ». « C’est déjà un acte d’activisme puissant d’être quand tu es une femme noire », assurait-elle au site Streetpres­s.

Donner un exemple, sans être exemplaire’’

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(Photo Lee Wei Swee) Pour financer ses premières sessions en studio, la chanteuse a travaillé en tant que mannequin.
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