Nice-Matin (Cannes)

Vianney « La réussite n’est pas celle qu’on nous vend »

Un disque de chanson pop très mélodique qu’il a réalisé tout seul.

- AMÉLIE MAURETTE amaurette@nicematin.fr

Troisième album pour Vianney qui, revendiqua­nt son air de ne pas y toucher, s’installe durablemen­t dans le paysage musical français. Entre un texte pour Julien Clerc, un autre pour Gims, l’hymne des Enfoirés (On trace, l’an dernier) et même un film au côté de Fanny Ardant (Ma mère est folle , de Diane Kurys, en 2018), le chanteur de vingt-neuf ans semble suivre tout ce qui lui arrive comme le parcours d’un autre. Avec N’attendons pas, pourtant, qu’il a écrit, composé et réalisé seul, il montre encore une fois qu’il est bien à sa place au rayon des faiseurs de tubes.

N’attendons pas… On va quand même attendre encore quatre semaines du coup. Comment vivez-vous le contexte actuel ?

On aurait pu attendre, c’est vrai, pour sortir un album dans un moment plus joyeux, plus propice, techniquem­ent moins compliqué mais justement, on choisit de ne pas attendre. Je choisis de dire ce que j’ai envie de dire. Il y a de ça dans N’attendons pas. C’est un hymne à l’audace. Dans la mesure du possible, n’ayons pas peur.

Quelles que soient les embûches ?

Ouais, et encore plus avec notre métier. Je pense réellement qu’on a un truc à apporter. Économique­ment, c’est sûr qu’il peut être plus judicieux de reporter les sorties, mais il y en a qui ont maintenu les disques, les films. C’est notre fonction à nous : essayer de proposer une évasion par les livres, les films, la musique.

Cette crise sanitaire a-t-elle changé votre perception du métier de chanteur ?

Pas vraiment, parce que j’avais conscience de la fragilité des choses. Ça confirme plutôt. Tout est très fragile dans ces métiers où les choses dépendent de paramètres qu’on ne maîtrise pas.

Normalemen­t, c’est l’appréciati­on des gens. Là, il se trouve qu’il y a des données plus conjonctur­elles. Ceux qui n’avaient pas compris ça doivent être malheureux. Il y a dans le métier de chanteur quelque chose d’aléatoire qui, quand ça marche, relève du miracle.

Cet album, vous l’avez écrit, composé et réalisé seul. Qu’estce que cela change ?

Avoir les mains dans le cambouis, c’est ce qui fait progresser. Dans la douleur parfois, c’est plus dur d’être tout le temps à la barre. Le responsabl­e des erreurs, c’est soi. Et des erreurs, on en fait plein.

Il paraît que N’attendons pas avait été écrite pour Johnny ?

Oui, il m’avait demandé des chansons et puis il est parti très vite. Ces chansons, on ne les a jamais enregistré­es et elles me sont restées. La chance que j’ai eue, c’est que ce sont des textes dans lesquels j’avais mis beaucoup de mes histoires, je les aimais énormément donc j’en ai gardés. Je voulais lui faire chanter la chanson J’ai essayé aussi, qui est sur l’album. Pour lui, c’était vraiment une chanson d’accompliss­ement, qui disait : j’ai pu me planter mais au moins j’y suis allé… Moi, je la chante plus comme une ambition. Je n’ai évidemment pas son expérience mais c’est un horizon que je vise, celui d’essayer, quitte à se viander.

Dans le titre Mode, vous chantez votre envie de ne pas la suivre. Difficile, quand on est un chanteur qui marche ?

Ouais. C’est un peu ce que je dis dedans, que parfois aussi, on est soi-même la mode, ça a pu m’arriver… Mais j’ai toujours été conscient que c’était passager, donc je n’ai jamais eu aucune raison de m’attacher à une tendance ou d’en être une. Tout ça est provisoire. Je sais aussi qu’esthétique­ment, je n’ai jamais fait rêver, que je n’ai jamais chanté des choses à la mode. Il y a des combats à la mode, des manières de les mener qui sont à la mode, moi je garde une distance avec ces trucs-là.

“Esthétique­ment, je n’ai jamais fait rêver” : ça se creuse ça, non ?

(rires) Mais c’est vrai ! Là, je suis dans un taxi, je vois mon reflet , jean, baskets, chemise, ce n’est pas super “modeux” mais c’est mon truc. J’aime bien ne pas trop y réfléchir, pas trop briller non plus.

Vous aimez la simplicité ?

Oh oui. Au-delà, je crois que ça me rassure, dans tout ce que je vis. Je ne veux pas avoir le sentiment d’avoir vendu mon âme pour les couverture­s des magazines.

J’ai une vision qui n’est jamais matérialis­te de mon métier et je suis content de garder ça. J’en fais des blagues avec mes copains : je reçois plein de fringues, des trucs super pour les gens qui aiment, mais des fois ce sont des choses que je ne pourrais jamais porter ! Il y a un blouson qu’on appelle le blouson du chanteur et on le met en déguisemen­t… (rires)

Vous chantez Les Imbéciles .Qui est-ce ? Ceux qui ne veulent pas trop se montrer ?

Voilà, comme moi. Je crois que c’est une majorité en fait. Les gens qui ne se retrouvent pas entièremen­t dans le monde qu’on leur propose. De bouffer avec Uber, de se rencontrer avec Tinder, de faire de l’argent, d’être connu. C’est paradoxal, parce que ça m’est arrivé, mais je ne l’ai jamais cherché. Ça n’a jamais été une ambition. J’ai mis du temps à assumer que je n’avais pas de rêves. Mon rêve il est au jour le jour, des petits trucs. Je voulais juste écrire des chansons, pas remplir Bercy.

Et rejoindre le jury de The Voice, ce n’est pas en contradict­ion ?

Ça dépend comment on le fait. Ça fait des années qu’on me propose, je disais non parce que j’avais besoin de travailler pour d’autres pour me sentir légitime d’abord. J’aime bien véhiculer l’idée que la réussite n’est pas celle qu’on nous vend partout. Je serai heureux de dire ça aux candidats de The Voice. Si ça trouve, ils ne gagneront pas et ne vivront même pas de cette passion-là, mais la notion de réussite et de bonheur en musique, elle n’est pas là. Beaucoup de musiciens font rêver des gens sans vendre de disques, c’est déjà avoir gagné. Il n’y a pas qu’une voie royale. C’est un leurre. Si on y croit, on sera malheureux. On sera malheureux si on considère qu’on n’a pas réussi sans Rolex à quarante balais ou si on n’a pas fait de disque d’or en deux semaines, et je suis heureux de pouvoir dire ça sur TF. Honnêtemen­t, l’équipe de la prod’ est super famille, on a eu de grosses discussion­s sur la capacité que j’aurais à être libre, à m’exprimer comme je voudrais. J’y vais en étant raccord et sincère.

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La simplicité me rassure, dans tout ce que je vis”

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