Nice-Matin (Cannes)

Louane « Je n’ai plus peur de mes émotions »

Désormais âgée de vingt-trois ans et devenue maman, la chanteuse revient avec Joie de vivre. Sur ce troisième album, elle ouvre encore plus son coeur et marie sa pop avec d’autres sonorités.

- PROPOS RECUEILLIS PAR JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Le temps file. Si vite que le public a peut-être encore l’impression que Louane est toujours une gamine. Peu épargnée par le sort, orpheline depuis l’adolescenc­e, elle a pourtant fait face à de lourds enjeux très tôt. Malgré cela, et une impression­nante popularité avec laquelle il a fallu apprendre à composer, la chanteuse, pour qui « tout est blanc ou tout est noir », a su se construire, a appris à faire connaissan­ce avec elle-même. Musicaleme­nt, cela se ressent également. Pas de révolution, certes. Plutôt une mue délicate vers d’autres horizons. Au commenceme­nt, ilyaeu Chambre 12, «delapop teenage, puisque j’étais en plein dedans ». Son deuxième disque, Louane, a fait la place à plus de mélodies électro, « parce que j’aimais vraiment beaucoup DJ Snake, Diplo, etc., à ce moment-là ». Trois ans plus tard, Joie de vivre arrive. Toujours pop, mais avec un spectre assez large, où les titres piano-voix côtoient des chansons infusées au hip-hop. Tout sauf un hasard : les rappeurs Damso et Dinos ont participé à l’écriture. Nk. F, producteur pour le duo PNL, était aussi dans les parages. Au téléphone, dans la dernière ligne droite d’une journée marathon, Louane nous a parlé avec sincérité de ce nouveau projet.

Est-il vrai que l’album aurait dû être intitulé autrement ?

Il ne devait pas du tout s’appeler comme ça, en fait. On avait choisi Poésie indécise, comme l’un des titres de l’album. J’aimais bien l’idée d’indécision, qui permettait de ne pas s’enfermer dans un seul registre. Et puis j’ai eu la chance incroyable de faire un shooting photo avec le grand Martin Parr pour la pochette. On est allés sur cette plage où je vais depuis que je suis toute petite, au Touquet. Elle s’appelle Joie de vivre .Ilavule panneau derrière moi, il pensait que c’était le nom de l’album. J’ai fini par choisir ça.

Pourtant, tout n’est pas si joyeux dans ces chansons…

Cet album fait les montagnes russes. Il y a des moments très heureux, d’autres très tristes. Je voulais montrer à quel point on peut passer très vite d’un état à l’autre. Mais on reste vraiment tourné vers l’espoir.

Vous dites que chez vous, il n’y a pas de place pour le “gris”, que c’est soit noir, soit blanc. Heureuseme­nt ou malheureus­ement ?

Aujourd’hui, ce serait plutôt “heureuseme­nt”. Je trouve ça cool de ne pas être trop tempérée. Pour le coup, mon entourage n’est pas d’accord avec ça ! Parfois, ce n’est pas facile à vivre. Mais ça me permet d’être dans l’authentici­té.

Pourquoi dites-vous que le bonheur vous inspire moins pour écrire vos textes ?

C’est vrai que j’ai du mal à être créative quand je suis heureuse. J’aime être dans la nostalgie. C’est une émotion fondamenta­le, il n’y a pas d’âge pour ressentir ça. Attention, je ne m’enferme pas làdedans, mais je me sens plus à l’aise dans l’écriture de choses plus tristes.

Quelle est la direction artistique de cet album ?

C’est un album pop, avec des influences hip-hop, électro, latino, raï et très “chanson française”. Mais continuer de caser la musique comme ça, c’est dommage…

La touche hip-hop, c’était un souhait de votre part ?

Oui, j’avais vraiment envie de ça. J’ai toujours été très bien accompagné­e et j’ai toujours pu suivre mes envies. J’ai adoré travailler avec Nk. F, par exemple.

La connexion avec le rappeur Damso pourrait surprendre. Comment est-elle née ?

On s’est rencontré après un de ses concerts. Il a voulu écrire pour moi. Je suis allée le voir à Bruxelles, on a discuté pendant une bonne partie de la nuit. La première chanson qu’on a faite ensemble, c’est Donne-moi ton coeur. Il m’a posé un milliard de questions avant de se lancer. Quand on s’est retrouvés plus tard, pour Poésie indécise, tout est devenu très simple.

Vous avez aussi mis la main sur le producteur El Guincho...

Quand j’ai travaillé avec lui, c’était au tout début du succès de Rosalía. Là, il est au top de la hype. Honnêtemen­t, c’est génial. Je me dis qu’un gars qui bosse pour moi bosse pour Rosalía et aussi pour une fille incroyable qui s’appelle Lous and the Yakuza [lire en pages précédente­s].

Sur des titres comme J’peux pas, À l’autre ou Sans ta voix, vous vous livrez totalement...

Dans mes chansons, j’ai toujours parlé de choses assez personnell­es. La grande différence, c’est que maintenant, j’écris ces chansons. Un titre comme J’peux pas, je l’avais depuis trois ans. Mais avant, j’avais peur des gens en face de moi, de certains médias. Très jeune, j’ai été confrontée à des questions beaucoup trop douloureus­es. Je suis restée fermée très longtemps. Aujourd’hui, j’ai les armes pour gérer ces situations... Et surtout, je n’ai plus peur de mes émotions. Longtemps, je les ai prises pour mes faiblesses. Alors qu’elles font ma force.

Hâte de pouvoir présenter ces morceaux sur scène ?

Oui, même si je sais que ce n’est pas possible. Moi, je sais à quel point je suis privilégié­e. Ce qui est dur à avaler c’est de voir les gens avec lesquels je travaille être dans une situation très chaude.

Au printemps dernier, vous êtes devenue maman. Pas trop dur de concilier ces « deux vies » ?

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Cet album fait les montagnes russes”

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Damso m’a posé un milliard de questions”

Ben, je suis organisée, comme des millions de femmes à qui on ne pose pas la question. Bien sûr, le truc le plus cool de ma journée, c’est quand je retrouve ma fille le soir. Ma promo se déroule autrement. Je ne passe pas plus d’une nuit ailleurs que chez moi. Je n’ai absolument pas envie d’exposer ma fille, je ne l’emmène pas. Je n’ai pas du tout confiance. La dernière fois, je sortais d’un train en provenance de Bruxelles et un paparazzi m’attendait, en espérant la prendre en photo...

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