Nice-Matin (Cannes)

« La pandémie est le seul thème qui va décider de l’élection »

Jean-Éric Branaa, maître de conférence­s spécialist­e des États-Unis

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON

Maître de conférence­s à l’université Paris-2, spécialist­e des États-Unis, Jean-Éric Branaa est l’auteur de Joe Biden, une biographie publiée aux éditions du Nouveau Monde.

Au-delà de l’aversion qu’il peut susciter, quel est le bilan objectif de Donald Trump ?

Cette aversion personnell­e a, en effet, empêché de voir ce qu’il se passait vraiment aux États-Unis. Donald Trump a fait passer deux grandes lois. La première est la réforme fiscale, menée en onze mois, ce qui doit faire pâlir pas mal de chefs de gouverneme­nt. Cette baisse assez drastique de la fiscalité a dopé l’économie américaine et généré une baisse continue du chômage jusqu’en janvier dernier. Il est descendu à , %, un niveau jamais vu depuis cinquante ans. Cela a donné à Trump l’illusion d’être réélu aisément… La seconde loi est la réforme de la justice, qui a adouci la répression contre les détenteurs de cannabis et mis fin à la loi des trois coups, qui contraigna­it les juges à prononcer des peines de perpétuité à l’encontre d’un prévenu condamné trois fois. Sur le plan internatio­nal, il a agi contre l’hégémonie chinoise et trouvé un apaisement avec l’Arabie Saoudite.

Et a contrario, qu’a-t-il raté ?

Son échec principal est la montée du nationalis­me dans le pays et la division extrême qui s’y est installée, marquée par des confrontat­ions mortelles dans certains États.

Il a, enfin, totalement failli sur la gestion de la pandémie : il n’a pas compris ce qui tombait sur le pays et cela a mis en évidence son manque d’expérience politique et la faiblesse de son entourage.

L’élection va-t-elle se jouer sur une thématique particuliè­re ?

Il n’y en a qu’une cette année : c’est la pandémie qui écrase totalement la campagne. Depuis mars, aucun autre thème n’émerge.   morts,  millions de cas positifs dans le pays, c’est le seul thème qui va décider de l’issue de l’élection.

Comment situeriez-vous Joe Biden et à qui le comparerie­z-vous s’il se présentait en France ?

Il n’y a pas de ressemblan­ce parfaite en France, mais il se rapproche de François Bayrou. Que ce soit dans l’expérience de vie – ils ont tous deux souffert de bégaiement et ont eu une éducation catholique qui leur a inculqué un moralisme très fort – comme dans le sens politique du compromis, leur marque de fabrique. Joe Biden a une vraie qualité d’écoute pour aller vers le consensus. Il incarne clairement un centrisme qu’il a quasiment inventé aux États-Unis, après avoir démarré comme progressis­te, en faveur du climat et des droits civiques. Il a depuis fait son nid au centre, en étant extrêmemen­t Républicai­ns-compatible.

Quels sont les risques réels de résultats illisibles qui donnent lieu à des troubles dans le pays ?

Je ne m’inscris pas dans cette analyse-là. En , Donald Trump avait déjà annoncé qu’il ne reconnaîtr­ait pas les résultats et que cela pourrait se terminer dans la rue. Il y a chez lui une part de cinéma. Il a toujours agi ainsi, y compris avec la Corée, en annonçant le bruit et la fureur, avant de finir par discuter. Il n’est pas exclu qu’il y ait quelque part un fada qui fasse des choses inconsidér­ées, mais pas à un niveau organisati­onnel. Les USA sont un pays structuré, doté d’une police très efficace.

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