Nice-Matin (Cannes)

Y a-t-il eu des incidents lors de la minute de silence ?

Sur Twitter, tourne en boucle la vidéo d’Azur TV d’un professeur de collège à Nice dénonçant des propos choquants d’une quinzaine d’élèves. Le rectorat dément. On fait le point

- VÉRONIQUE MARS vmars@nicematin.fr

« B eaucoup d’élèves ont tenu des propos, pas qu’un ou deux mais une quinzaine, une vingtaine (...) Des élèves ont été signalés. Dans mon collège, les professeur­s d’histoire ont décidé de travailler sur le long terme (...) Il y a beaucoup de haine, beaucoup de communauta­rismes » chez les jeunes « fortement influencés sur les réseaux sociaux ».

Postée sur Twitter par Azur TV cette interview d’un enseignant de collège à Nice tourne en boucle et crée des remous. Dans un tweet, Eric Ciotti dit vouloir étudier avec le Départemen­t «lasituatio­n des parents de ces élèves niçois qui ont refusé l’hommage à Samuel Paty. S’ils bénéficien­t d’allocation­s départemen­tales, nous les suspendron­t ! » (Voir ci-contre)

L’affaire est remontée jusqu’au rectorat qui a demandé des explicatio­ns au principal de ce collège niçois situé à Las Planas. Contacté par notre rédaction, l’enseignant est revenu sur ses propos tenus face à la caméra d’Azur TV. Lui, affirme que les remarques d’élèves ont été faites « après l’hommage et nullement pendant », qu’il n’y a pas eu d’incident dans son établissem­ent. Il n’en dira pas plus.

Huit incidents signalés sur 

Ordre venu d’en haut de camoufler pour ne « pas faire de vague » comme en 2015 pour la minute de Charlie, alors copieuseme­nt sifflée par notre jeunesse ? Au rectorat de Nice, on assure que non. On certifie que le contexte est « totalement différent », qu’au contraire « les ordres du ministère étaient de faire remonter tout incident pendant l’hommage, par le biais du logiciel “fait établissem­ent”.» Et d’ajouter que dans l’académie « huit faits d’établissem­ents » ont été signalés sur un total de 400 incidents recensés en France, selon le ministre Jean-Michel Blanquer. Sur ces huit faits, deux ont été signalés dans ce collège niçois de Las Planas.

«Ons’enfout!»

Selon le rectorat, il y a eu deux incidents, avant la cérémonie, dans cet établissem­ent. Un élève aurait crié, « ah non, on s’en fout » avant d’être rappelés à l’ordre, un autre, âgé de 13 ans, scolarisé en Segpa (section d’études spécialisé­es) « a mimé un égorgement avec son doigt » en plein cours. « Alors que l’enseignant était au tableau, dos à la classe, cet élève a répété bêtement ce geste pour faire rire ses camarades, jusqu’à ce qu’il fasse surprendre par son professeur, rapporte-ton le rectorat. L’élève a été exclu du collège pendant deux jours, mais a néanmoins participé à l’hommage. »

Dans la vidéo, cet enseignant souligne l’absence d’intérêt des élèves pour cet hommage qui, selon lui, ne les concerne pas. Un sentiment confirmé par Fabienne Langoureau, secrétaire académique du SNESFSU, syndicat enseignant. Cette professeur­e de lettres dans un lycée niçois « bien réputé » en a fait l’amère expérience. « À la rentrée de la Toussaint, après l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine et

celui de la basilique NotreDame à Nice, je m’attendais à récupérer mes élèves bouleversé­s, raconte-t-elle. Pour moi, il était hors de question de faire cours, mais de les laisser s’exprimer sur les libertés, sur ces événements tragiques. Je me suis heurtée à de l’indifféren­ce, à des “ons’enfout;ilyaeudes attentats avant et il y en aura d’autres”. Sur les 35 élèves de ma classe, deux à trois ont osé me dire : “onvaencore perdre deux heures làdessus ”. »

« Cette indifféren­ce m’arrache les larmes »

Cette enseignant­e avoue avoir été déstabilis­ée et choquée : « J’aurais préféré

avoir des réactions sur les caricature­s, mais là, ce “on s’en fout” est terrible. Ça ferme les portes à toute discussion. Un professeur a été décapité, trois personnes ont été égorgées et cette indifféren­ce m’arrache les larmes. »

Fabienne Langoureau s’en est ouverte à d’autres collègues. « Beaucoup ont rencontré les mêmes réactions d’indifféren­ce de la part de leurs élèves, ont eu l’impression de faire cours tout seul, soupire-t-elle. À croire que cette jeunesse qui est née et a grandi avec les attentats, banalise le terrorisme. C’est cela qui doit nous interpelle­r. »

 ?? (Photo d’illustrati­on DR) ?? Selon le rectorat, des consignes strictes ont été données aux chefs d’établissem­ent pour faire remonter tout incident durant la cérémonie d’hommage. Sur l’académie de Nice, huit faits ont été signalés sur les  recensés en France.
(Photo d’illustrati­on DR) Selon le rectorat, des consignes strictes ont été données aux chefs d’établissem­ent pour faire remonter tout incident durant la cérémonie d’hommage. Sur l’académie de Nice, huit faits ont été signalés sur les  recensés en France.

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