Nice-Matin (Cannes)

Le dernier samouraï

- PHILIPPE CAMPS Journalist­e edito@nicematin.fr DÉCALÉ

Le temps passe. Demain, Alain Delon aura  ans. Hier, toutes les femmes étaient amoureuses de lui. Logique : il était beau comme un dieu. Quand il entrait dans une pièce, la terre s’arrêtait de tourner. Pas les caméras. Ceux qui l’ont approché ne s’en sont jamais remis. Ils ont, tous, été soufflés par sa férocité. Le fauve sentait Eau Sauvage. Aujourd’hui, les jeunes premiers (Niney, Ulliel, Garrel...) dégagent une odeur de barbe à papa. Delon puait le soufre et la masculinit­é. Il était le mâle alpha. Une autre époque. Dans Le Clan des Siciliens, il fracasse une anguille sur un rocher sous les yeux de la sublime Irina Demick qui bronze nue. Elle : « Je n’ai jamais vu quelqu’un tuer un poisson comme vous l’avez fait » .Lui: « Alors vous n’avez jamais rien vu ». Ce qu’on verra après est interdit aux enfants et aux culs-bénits. Sa filmograph­ie est étourdissa­nte.

Il a inspiré Allégret, Clément, Visconti, Antonioni, Losey, Melville, Deray, Verneuil... Il a été flic et voyou. Il se disait acteur. Pas comédien :

« Je ne joue pas. Je vis ». Il vivait bien. La manière dont il lisse son feutre dans Le Samouraï est inoubliabl­e. Cette scène a poussé des milliers d’hommes à s’acheter un chapeau.

Les pauvres. Il était inimitable. Delon est Jef Costello. Il est Tom Ripley, Rocco Parondi, Tancrède Falconeri, Roger Sartet, Roch Siffredi, Robert Klein, Gino Strabliggi, Roger Borniche, Zorro. Il tue deux fois son ami Maurice Roney (Plein Soleil, La Piscine), mais se fait descendre par son maître Jean Gabin dans Le Clan des Siciliens.

Ah la musique d’Ennio Morricone ! Dans les films, il meurt souvent. Pas grave, il est immortel. Comme Bébel. Dans la vie, il aime Romy, épouse Nathalie, vit avec Mireille, chante avec Dalida, fait des enfants, monte des combats de boxe, achète des chevaux de course, met son nom sur des produits de luxe, collection­ne des oeuvres d’art, vote à droite, se terre dans le Loiret et se réfugie dans le passé. C’est là qu’il est le mieux. En , les stars sont des footballeu­rs, des influenceu­rs, des youtubeurs. Vous pouvez hausser les épaules : c’est navrant. Alain Delon, lui, est une star, un monstre sacré, une légende. Hier, il était la beauté, le cinéma, la France. Aujourd’hui, il se remet doucement d’un AVC dans son domaine de Douchy entouré de ses chiens. Demain, il aura  ans. Le temps passe.

« Delon puait le soufre et la masculinit­é. Une autre époque »

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