Clément Giraud, première rugissante
Malgré de nombreuses péripéties, le skipper toulonnais est fin prêt à prendre le départ
Au début, ce n’avait été qu’un rêve, léger et lumineux comme ceux qui allongent les nuits d’été. Une bulle douce comme une caresse.
L’histoire de Clément Giraud est celle de tous les marins à la peau blanchie par le sel. Ces dévoreurs d’espace qui s’accrochent à la barre par gros temps, à guetter l’oasis dans le désert.
Clément pense au Vendée depuis vingt ans. En 2017, il vient de déposer sa candidature lorsqu’Armel Le Cléach boucle son tour du monde en 74 jours 3 heures et 35 minutes. Le record est battu. Et la prochaine odyssée s’annonce tout aussi débridée. Tout est moderne, la coque, la voile, la météo, le pilote automatique. Les petites machines sont plus grandes, même les coursiers sont mieux payés. Le rêve de Clément, dont le projet (ENVOL) avance comme le parcours de qualification, devient réalité, il suffisait d’y croire. Et puis l’air entêtant de la petite musique s’arrête, d’un coup. A l’automne 2019, un incendie éclate. Nous sommes en baie du Havre, à six jours du départ de la Transat Jacques-Vabre. Sous une nuit blanche, le voilier de Clément part en fumée en quelques heures.
Un pacte historique
La remise en état est coûteuse (500 000 euros). Un mois et demi plus tard, les sponsors s’évaporent. Le rêve était parti en fumée. « Un sentiment comparable à une rupture amoureuse... », souffle cet enfant des Antilles, fils d’une fratrie de cinq enfants débarqué en Bretagne à 18 ans sans aucun diplôme. C’est alors qu’il reçoit un message d’Erik Nigon, un skipper en Imoca touché par l’accident. Et comme un ultime signe du destin, les deux hommes concluent un pacte « historique » : chacun de son côté, ils cherchent des financements et le premier capable de réunir les fonds fera le Vendée Globe. Grâce à ses sponsors – Compagnie du Lit et Jiliti – Clément se lance à l’assaut de son premier tour du monde. A bientôt 40 ans. « Un mois après le départ, si tout se passe bien, normalement vers l’axe du cap de Bonne-Espérance », sourit le Toulonnais d’adoption. Clément a vécu dans une caravane à Mandelieu – avant de rencontrer sa femme Hortense, originaire du Var –, tiré des bords à Antibes, navigué sur les plus beaux bateaux du monde aux côtés de grands noms comme Lionel Péan, Laurent Bourgnon et Kito de Pavant. Cette fois, et après déjà tant de tempêtes, sa course au large, en solitaire, c’est du concret. Le rêve d’un bonheur pour de vrai.
Après quelques péripéties, vous voilà enfin au départ du Vendée Globe. Êtes-vous soulagé ?
Oui, je suis même heureux. Dans l’absolu, à part les très grosses écuries, je pense que c’est toujours une victoire d’arriver à prendre le départ du Vendée. Lorsque comme moi tu n’es pas un pilote, que tu es le chef de projet et que tu pars au front pour chercher de l’argent et façonner la partie technique, c’est un vrai succès. C’est juste top d’être là après tout ce qu’il s’est passé, l’incendie, le Covid… Être au départ est une belle histoire.
L’incendie de votre premier monocoque date d’il y a un an quasiment jour pour jour au Havre (le octobre ). Y pensez-vous encore ?
Oui, [l’incendie] est gravé pour un moment. C’était un vrai revirement de situation comme on en vit peu dans sa vie. Mais j’ai fait un gros travail làdessus cet hiver. Tout cela est derrière moi.
Vous partez avec un Imoca rebaptisé et complètement retravaillé. Avez-vous toujours cru en votre qualification ?
J’ai de la chance avec Érik (Nigon), qui me prête son bateau (ex-Vers un monde sans sida) et me donne des conseils, avec Julie (Rocher) et toute l’équipe qui me dégage du temps, les nouveaux partenaires qui nous ont soutenu les yeux fermés… Tous ont mis de l’intelligence dans le bateau et notre démarche, c’est génial. On a fait comme si on était professionnel, et on s’aperçoit qu’on l’est. Tout le monde a bien travaillé, a fait énormément de concessions. Je pars dans de bonnes conditions. Le bateau est beau, il va bien, tout est réuni pour faire un beau Vendée.
C’est aussi l’un des plus âgés de la flotte…
Oui, c’est le plus vieux de la série des Vendée . Ce n’est pas le plus abouti, pas celui qui gagnera la course. Mais il est costaud, il a fait une belle place au dernier Vendée (Louis Burton a fini e), même s’il y avait moins de concurrents et de foilers. C’est un bateau que j’ai apprivoisé pendant onze jours dans la Vendée Arctique.
Sur quoi avez-vous travaillé lors de sa mise en chantier ?
On a modifié beaucoup de choses, avec lesquelles je ne me voyais pas partir. Il est un peu plus léger, on a changé la quille, le bulbe, les safrans, les voiles, les profils, les systèmes, les ballasts… On aurait aimé en faire plus mais c’est déjà beaucoup. Le bateau est plus typé Vendée, il est plus sur le cul comme on dit [rires]. Il lève un peu plus le nez quand on navigue, il est vraiment agréable à naviguer. J’ai hâte de reprendre la barre.
Le timing a dû être super serré depuis votre arrivée aux Sables-d’Olonne. Comment vous sentezvous ?
Tout va bien, je suis en confinement depuis quinze jours (il est arrivé en Vendée