Nice-Matin (Cannes)

Destremau navigue à vue

Le skipper-journalist­e-poète toulonnais, héros du dernier Vendée Globe, remet ça avec un nouveau bateau baptisé Merci. Sans autre prétention que de vivre et raconter une nouvelle histoire

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE BERSIA

Vous êtes revenu de l’enfer lors de votre épopée . Pourquoi repartir aujourd’hui ?

Tout simplement pour savoir si j’en suis encore capable. Capable d’être au départ et capable d’être à l’arrivée. Je me posais la même question avant le premier Vendée Globe. La première fois, je partais dans l’inconnu à partir d’une feuille blanche mais là, ma feuille est déjà bien remplie. C’est ce à quoi sert l’expérience. Pour ce qui concerne l’épreuve elle-même, repartir en sachant ce qui m’attend. Ce qui n’est pas forcément plus facile ou plus simple.

Quelle leçon avez-vous tiré de votre première expérience ?

La seule leçon que j’ai tirée, c’est que c’est beaucoup plus important qu’une course qui part des Sablesd’Olonne et qui y revient. C’est une course pour certains, une aventure pour d’autres qui dure entre deux mois et demi et quatre mois. Mais pour le public qui regarde la course et qui la vit, cela dure quatre ans. Cette course porte les gens pendant des années.

En fermant les portes des océans, vous vous êtes ouvert celles des arts, de la culture…

Je ne sais pas si c’est parce que j’ai fermé les portes des océans que j’ai ouvert ces portes-là, peut-être certaines d’entre elles. Je prends le Vendée dans son immensité, dans son ensemble. Depuis que j’ai coupé la ligne d’arrivée, je n’ai pas arrêté de faire des choses qui sont dues au Vendée, en parallèle, ou en rapport avec le Vendée. Que je fasse des conférence­s, des bijoux,

‘‘ un bouquin, une BD ou une pièce de théâtre, tout ça c’est le

Vendée Globe…

Que ne referezvou­s pas ?

Plein de choses. J’avais pris des raccourcis partout avant ce départ et je m’étais occupé de tellement de choses que j’avais peut-être négligé la préparatio­n proprement dite. On était clairement en retard, mais cela fait aussi partie de notre manière de fonctionne­r. On a besoin d’être sous pression. Après, pour ce qui est de la course, à partir du moment où l’objectif était d’aller le plus loin possible, en se foutant du temps et du résultat, avoir la chance de couper la ligne d’arrivée était une victoire. Donc je peux considérer que je n’ai pas fait d’erreurs, même si deci delà, j’en ai faites… Le seul regret que j’ai aujourd’hui est de m’être retrouvé à la bourre alors que j’aurais dû être mieux.

Comment vous sentez-vous physiqueme­nt ?

J’ai quatre ans de plus, ce qui compte à mon âge ( ans). Ce sera sans doute un peu plus compliqué, mais je me suis bien rassuré mentalemen­t pendant les qualificat­ions, où je me demandais justement si j’avais encore la force nécessaire pour gérer un bateau pareil avec toutes les emmerdes qui vont avec…

Quelle différence entre FaceOcéan et Merci ?

Il n’y a vraiment pas photo. Merci va plus vite et est beaucoup plus facile à manoeuvrer. Tu peux faire la moitié des manoeuvres depuis le cockpit, alors que sur FaceOcéan tu t’exposais au pied du mât. C’est un bateau beaucoup plus facile mais il y a aussi plus de technologi­es à bord et plus de risques de péter les trucs. Le concept de FaceOcéan était : tout ce que je n’ai pas, je ne le casserai pas... Là, je casserai peut-être, mais c’est comme ça. La technique sera compliquée à gérer.

Pourquoi se remettre en danger ?

Ce n’est pas parce que tu as réussi un truc que tu dois t’endormir dessus et te gargariser. J’ai toujours eu envie de repartir et j’ai fait ce qu’il fallait pour le faire. En danger ? Physiqueme­nt peut-être, mais en termes de notoriété ou autre, je m’en fous complèteme­nt.

Quoi de plus fort que le Vendée Globe ?

Au-delà de toute victoire, de tout titre, le Vendée est incomparab­le.

Pensez-vous déjà à l’aprèscours­e ?

On a un livre à paraître, la tournée de notre pièce de

‘‘ théâtre est en train d’être programmée. Mais là, il faut d’abord raconter l’histoire et on verra jusqu’où elle ira.

Que pensez-vous de l’autre skipper toulonnais engagé sur cette édition, Clément Giraud ?

Je suis très content de sa présence. Quand on a lancé notre histoire, il y a huit ans, il n’y avait jamais eu aucun bateau du départemen­t varois sur le Vendée Globe. Aujourd’hui, nous sommes deux Toulonnais et il y a aussi une

Niçoise (Alexia Barrier). C’est top, même si chacun conserve son identité, ses relations propres.

Vous sentez-vous en concurrenc­e avec eux ?

Pas du tout. Je n’ai pas pour objectif de battre qui que ce soit. Ce qui ne veut pas dire que je ne battrai personne. Mais je n’ai pas d’objectif comptable.

Je n’ai pas d’objectif comptable”

La notoriété, je m’en fous complèteme­nt”

Avez-vous un favori ?

Non, aucun. Mais j’ai une grosse envie qu’Hugo Boss (skippé par Alex Thomson, Ndlr) gagne. Je ne sais pas comment ces nouveaux bateaux vont pouvoir faire le tour et le terminer.

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