Nice-Matin (Cannes)

« Il serait complèteme­nt idiot de ne pas en profiter »

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Il dirige le service de pédiatrie de l’hôpital Princesse-Grace à Monaco après avoir longtemps exercé à Lenval à Nice. Le professeur Hervé Haas dit ce que l’on peut attendre, selon lui, de l’annonce de Pfizer, et décrypte les a priori et croyances autour de la vaccinatio­n d’une manière générale.

Comment accueillez-vous cette annonce de Pfizer ?

Que faut-il penser de ce vaccin en l’état ? D’abord, je rappelle qu’il s’agit d’une population particuliè­re. Des jeunes, volontaire­s a priori, sans pathologie spécifique. Ce qui ne représente pas l’ensemble de la population. Mais dans le cadre du développem­ent d’un vaccin, c’est un processus totalement normal. Les règles sont respectées. Règles classiques et recommandé­es. Le tout de manière accélérée, mais   personnes, cela donne une évaluation intéressan­te. Une couverture d’environ  % avec deux doses, c’est bien. Même s’il faut encore faire preuve de patience, c’est prometteur.

Toutes les questions ne sont pas levées…

Il subsiste un certain nombre d’inconnues. La durée de protection : faudra-t-il faire des injections tous les trois, six mois ? On ne peut pas, aujourd’hui, y répondre. Autre interrogat­ion : l’efficacité serat-elle la même, quel que soit l’âge ? Je pense notamment aux personnes fragiles et âgées, dont la réponse immunitair­e, en général, est médiocre. Le fait d’être vacciné permettra-t-il de réduire sensibleme­nt la circulatio­n du virus ? On peut s’y attendre, mais rien n’est certain. Que des personnes vaccinées puissent continuer à diffuser un peu de virus, c’est possible. Mais franchemen­t, cela m’étonnerait. Un autre aspect n’est pas à négliger : la technologi­e de ce vaccin, qui justifie une conservati­on à °. On ne peut donc pas stocker ce produit dans le réfrigérat­eur pour se rendre chez son praticien, comme on le fait avec d’autres vaccins. Le système sera probableme­nt amélioré pour une congélatio­n standard, mais pour l’instant, ce n’est pas le cas.

Quid du vaccin français ?

C’est précisémen­t ici qu’il aura peut-être un intérêt supérieur. Étant basé sur un vaccin rougeole, un vaccin vivant, on peut espérer une protection immunitair­e beaucoup plus longue dans le temps. Autrement dit, on prend du virus de la rougeole que l’on rend moins virulent, sans le tuer, de telle sorte qu’il soit capable de se reproduire, sous une forme très atténuée. Pouvant donner, au pire, un peu de fièvre, parfois une petite éruption. Raison pour laquelle cela ne convient pas aux patients immunodépr­imés.

Ce qui explique certaines réticences ?

La réticence est historique, dans notre pays. D’où l’obligation vaccinale pour les jeunes enfants. On a toujours des théories très complexes, basées sur la peur. Peur des effets secondaire­s. Peur des complicati­ons. Parce qu’on leur a parlé de sclérose en plaques avec le vaccin hépatite ou d’autisme avec le vaccin rougeole. Alors qu’il n’y a aucun lien. On a eu également, en France, des polémiques autour du vaccin papillomav­irus alors que tout se passe très bien. Les médias ont parfois contribué à la diffusion d’informatio­ns stressante­s, si bien que des patients se sentent un peu perdus. Je pense qu’il faut bien expliquer aux gens que, quoi qu’il arrive, quand ce vaccin sera à notre dispositio­n, c’est qu’il aura respecté toutes les étapes nécessaire­s à son évaluation. Que ce soit pour les effets secondaire­s s’il y en a, ou bien entendu pour son efficacité. J’attends donc ces résultats. Dès qu’ils seront connus, je me ferai vacciner sans hésiter.

Cette défiance touche-t-elle de nombreux parents ?

Certains vaccins ont une mauvaise histoire. Heureuseme­nt, les moins de  ans, aujourd’hui, sont bien vaccinés. Et naturellem­ent, on n’a aucun problème. De la défiance, il y en a trop, mais en réalité assez peu. Beaucoup de parents posent des questions. Quand on leur dit que l’on n’a pas d’inquiétude en tant que praticien et que l’on a soimême fait vacciner ses propres enfants, la plupart d’entre eux sont rassurés. Mais une frange de la population s’oppose à tout. Par principe.

La vaccinatio­n devra-t-elle être rendue obligatoir­e ?

Non, je ne le crois pas. Si l’on a des vaccins très efficaces, la population ira spontanéme­nt. Cela aura un tel impact sur notre vie de tous les jours, que ce soit pour notre santé ou sur le plan économique, qu’il serait complèteme­nt idiot de ne pas en profiter. S’il reste moinsdeou%dela population sans vaccinatio­n, ce n’est pas grave.  à  %, cela devient dangereux.

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(Photo Cyril Dodergny) « Dès que les résultats seront connus, je me ferai vacciner sans hésiter », affirme le Dr Hervé Haas qui n’est pas pour autant favorable à une obligation de vaccinatio­n.

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