Nice-Matin (Cannes)

Aux assises, des fleurs sur un champ de ruines

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Le 2 juin 2017 à La Trinité, Mohamed Hmaad, 32 ans, n’a pas seulement tué Margaux Mari, 28 ans, sa compagne, mère de leurs deux enfants. Il a saccagé deux familles et laissé deux orphelins. Au deuxième jour de son procès devant les assises, ses soeurs témoignent en larmes, la gorge nouée par l’émotion. Toutes culpabilis­ent de ne pas avoir pu changer le cours des événements. Aucune d’elles n’a senti Margaux en danger. « Le seul accusé c’est lui, vous n’êtes coupables de rien », tente de les apaiser la présidente Catherine Bonnici.

« Frère de sang soeur de coeur »

« J’ai perdu mon frère de sang et ma soeur de coeur », confie Najet (1). Quand, à la lueur des gyrophares, le médecin lui annonce le décès de Margaux, son cri désespéré déchire le silence nocturne de l’avenue du Général-de-Gaulle. Najet décrit son chagrin mêlé de colère. Un frère en prison après un acte atroce, sa belle-soeur au cimetière : « Tout s’est effondré autour de moi... Vous devez cacher votre souffrance parce qu’elle n’est pas légitime. Mais Margaux était ma meilleure amie. »

Mohamed Hmaad avait déposé ses enfants de 5 et 6 ans en pleurs à 3 heures du matin chez sa mère, à Nice. Il est reparti sans dire un mot. Fatia, la soeur aînée, a aussitôt imaginé le pire. D’autant que sa nièce de 6 ans, en partie témoin du crime, a mimé «papaen train d’étrangler maman ». La mère et ses filles, tenaillées par l’angoisse, se rendent à La Trinité.

Les sapeurs-pompiers défoncent la porte de l’appartemen­t : Margaux Mari gît sans vie, sur le lit, la tête enserrée dans un sac-poubelle.

« Margaux, on sortait ensemble, on voyageait ensemble entre filles. Elle avait beaucoup d’humour. Tout le monde l’appréciait et sa perte est aujourd’hui très .... difficile, souligne Fatia, serrant un mouchoir en papier. Elle était toujours là pour remonter le moral, pleine de gentilless­e, très créative. »

La relation entre Mohamed et Margaux paraissait conflictue­lle, explosive, marquée par de nombreuses ruptures, mais jamais la jeune femme, qui avait du caractère, n’avait confié à ses proches les violences qu’elle pouvait subir. Questionné­e par la présidente, Fatia admet qu’elle aussi a dû endurer les agressions de Mohamed : « Quand je refusais de lui prêter ma voiture, je finissais par céder, mais j’avoue que j’avais un peu peur de lui. »

Garçon « surprotégé »

Mohamed, petit garçon peureux, surprotégé par ses soeurs, était un temps devenu « le rigolo de service ». A la mort de son père, en 2012, il s’était mué en tyran, capable de tout casser à la moindre contrariét­é. « Un assisté » selon ses soeurs sans complaisan­ce. qui ne restait que quelques mois dans ses emplois de chauffeur. L’accusé, tête basse, a laissé derrière lui un champ de ruines sur lequel deux familles admirables tentent comme elles peuvent de se reconstrui­re. Deux petits, aux yeux pétillants d’intelligen­ce, vivent sans papa ni maman mais s’épanouisse­nt entourés d’amour. Najet remercie publiqueme­nt Bertrand, le frère de Margaux, qui est rentré de l’étranger pour élever son neveu et sa nièce tout en maintenant les liens avec la famille de l’accusé.

« On a tous le même objectif, rappelle Najet. Leur bonheur et leur équilibre. Mais malgré les efforts de tous, on ne pourra leur donner l’amour de leur père et de leur mère. Il n’y a pas un jour sans que je ne pense à Margaux. Mohamed, je l’ai maudit mais ça restera toujours mon petit frère », lance-t-elle, dans un torrent de larmes. Les jurés, eux aussi, ont du mal à masquer leur émotion. 1. Les prénoms ont été modifiés

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