Nice-Matin (Cannes)

Voyage, voyage au... bout de l’envie avec PPDA

Patrick Poivre d’Arvor ne peut pas s’empêcher d’écrire. Il revient avec une déclaratio­n d’amour à sa Bretagne et un roman sur La Fayette. Idéal pour briser le silence.

- RAPHAËL COIFFIER rcoiffier@nicematin.fr

Il lit. Écrit. Il lit. Écrit. Sans relâche. Vient de dévorer L’Anomalie, roman signé Hervé Le Tellier (Gallimard), où la logique rencontre le magique. Où l’auteur explore cette part de nous-mêmes qui nous échappe. Comme lui échappe au temps qui passe...

À 73 ans, Patrick Poivre d’Arvor cultive son franc-parler sans pesticide. Déjà qu’hier le journalist­e n’avait pas sa langue dans sa poche, aujourd’hui, à l’image d’un vieux héros, il libère sa parole. «Jen’ai plus rien à perdre, alors je dis ce que je pense. »

Encrant des pages. À force d’affection. Les partageant à la pointe de sa plume. Parfois sucrée, parfois salée. Comme dans La Bretagne au coeur. « Un livre très subjectif. Une façon de lui dire qu’elle m’a beaucoup apporté. De la remercier. De donner des clés aussi pour apprendre à la découvrir. À l’aimer... »

BZH. Trois lettres. Des êtres, sa terre. Trégastel, son fief. Que cette tête de granit magnifie. Passant d’un îlot à l’autre comme un gamin saute dans les flaques... Paysages, gastronomi­e, littératur­e, musique, éternel féminin, sportifs, PPDA s’attarde avec délice sur ce territoire multiple. Sauvage et romanesque. Unique. Mais pas exclusif en son « fort » intérieur. Là où se mêlent tant de châteaux, du haut desquels il contemple le monde noyé sous les bruyères...

« Ce n’est pas parce que je déclare ma flamme à la Bretagne que je la réserve à cette seule Bretagne. Je pense, par exemple, à votre région, le Sud. Quel bonheur. Il faut vraiment que les Français redécouvre­nt leur pays. Avec envie. Il est tellement beau ! »

Las, la parenthèse estivale refermée, les frontières des régions sont désormais verrouillé­es. Le baguenauda­ge proscrit. Soumis aux humeurs morbides du virus...

« Je n’aime pas cette période très fruste, pour reprendre les mots du Président de la République. J’aurais préféré un couvre-feu adapté plutôt que ce confinemen­t... » Coincée à Paris – « c’était plus civique » – l’éternelle star du JT de TF1 est forcément nostalgiqu­e de l’avant Covid. Et même s’il ne présente plus l’info à 20 heures tapantes, rien ne l’empêche de la décrypter.

« On se rend compte qu’il y a moins d’acceptatio­n qu’en mars dernier. Les rapports humains deviennent électrique­s. Il suffit de voir avec les petits commerces. Leur fermeture fera le jeu des géants du Net, comme Amazon. C’est complèteme­nt absurde... »

Vent debout, l’animateur de Vive les livres ! sur CNews souffle le chaud sur cette crise inédite. Parfois propice au show organisé du petit écran, 24 heures sur 24... « Il ne sert à rien d’ajouter de l’anxiété à l’anxiété. Il faut juste livrer des infos et ne pas affoler les gens en permanence. Il y aura déjà tellement de dégâts collatérau­x. Et pensons aussi aux enfants qui grandissen­t dans cette atmosphère glauque. »

L’abus de peur n’est donc pas bon conseiller. L’impertinen­ce, en revanche... Les questions qui dérangent, dont il était passé maître. Des puissants s’en souviennen­t.

Homme-orchestre

« C’est une vertu très française. Une déclinaiso­n de l’esprit français qui s’est un peu perdue. J’espère l’avoir incarnée à ma manière. Même s’il n’y avait pas que moi. À l’époque, on n’avait pas peur de se prendre un coup de règle sur les doigts. D’être viré. Ça m’est arrivé plusieurs fois ! » L’homme-orchestre a toujours rebondi. Sans jamais se séparer de son carquois. « C’est bizarre, tous ces gens qui se brident ou font preuve de fausses insolences. Pour la forme... »

Des ombres chinoises sans intérêt. À des lieues de son tempéramen­t. Plus proche de celui d’un navigateur au grand large que d’un propriétai­re de yacht à Saint-Tropez. « J’aime bien les gens flamboyant­s. » Pas étonnant qu’il se soit penché, aussi, sur le destin de Gilbert de La Fayette.

« Ce roman sort en Poche. Je raconte l’attirance qui existait entre ce héros, ce personnage formidable, et la reine Marie-Antoinette. Une histoire jamais explorée, romancée mais dont les faits sont exacts... »

Un général inspirant. Parti défendre l’indépendan­ce américaine. Comme lui pourrait aussi partir, sans fusil mais avec un stylo, trouver un nouvel Eldorado. Ses îles Marquises. Berceau où s’endormir paisibleme­nt sur la chanson des vieux amants...

Il y pense tout en se courbant sur une énième perle de son chapelet littéraire.

« Je travaille sur un nouveau livre. Je ne peux pas m’en empêcher. Ce sera sur les gens qui ont choisi de s’exiler à l’autre bout du monde. Les Brel, Gauguin, Moitessier, Stevenson, de Kersauson. J’ai de l’admiration pour eux... »

Au point de leur emboîter le pas léger ? « Je m’interroge. Il n’est pas trop tard. Vivre à un autre rythme. Apprendre à mieux vivre... »

La valise est dans l’entrée.

Les clés sur la porte.

Mais il y a encore de la lumière dans la cabane. Patrick Poivre d’Arvor n’a pas abouti son voyage immobile. Seulement l’encrier vide, il sera temps de perdre pied. Oser affronter le sens d’une longue traversée. Aussi belle et torturée que le corps de l’île de Sein en pleine tempête...

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Je n’ai plus rien à perdre, alors je dis ce que je pense”

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Il ne sert à rien d’ajouter de l’anxiété à l’anxiété...”

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