Nice-Matin (Cannes)

Un élu niçois dans le Haut-Karabakh

- YANN DELANOË

« Il faut que les gens sachent ce qui se passe ici… Ce n’est pas seulement une histoire de frontières… L’Azerbaïdja­n cherche à “désarménis­er” le Haut-Karabakh. Il y a déjà pas moins de 100 000 réfugiés qui ont fui vers l’Arménie, alors que ce territoire comptait un peu plus de 140 000 personnes… » Depuis Erevan où il se trouvait encore hier, Gaël Nofri, adjoint à la circulatio­n et au stationnem­ent, et à la logistique urbaine de Nice, témoignait de ce qu’il venait de voir. Lui qui écrit parfois pour des médias nationaux est parti au Haut-Karabakh « à titre personnel », dit-il, « pour voir, comprendre et témoigner ».

« Goris   habitants, et autant de réfugiés »

Ces derniers jours, il s’est retrouvé « sur la ligne de front ». Il raconte ce qu’il a vu à Goris, ville arménienne du sud-Est, non loin de Latchine, du nom du corridor garanti par les accords de cessez-le-feu. « Goris, qui est une ville de 23 000 habitants, a vu arriver au moins autant de réfugiés, une vague, dans des conditions catastroph­iques, terribles. C’est aussi là que les militaires blessés arrivent et sont soignés… Mais pour eux aussi, c’est catastroph­ique, car il y a une forte épidémie de Covid. Donc sur 5 médecins urgentiste­s, trois sont immobilisé­s pour Covid… »

Gaël Nofri raconte ensuite sa visite au petit village nommé David Bek, un peu plus au sud, proche de la frontière, qui compte moins de 1 000 habitants, et où le maire l’a reçu.

 roquettes sur le village en  minutes

« Au départ, il voulait me recevoir dans son bureau, à l’étage. Mais il est descendu, et il m’a dit, “on va aller dans une salle du rez-de-chaussée, parce que j’ai peur des roquettes”. Pendant cette rencontre émouvante, qui a duré autour de 45 minutes, pas moins de 27 roquettes sont tombées dans le village. Je peux vous dire que ce n’était pas rassurant d’entendre non seulement le bruit des roquettes, mais aussi celui de leurs retombées, de ce qu’elles venaient de soulever et de détruire… », témoigne Gaël Nofri visiblemen­t éprouvé par ce qu’il a vécu. « Au final, le bilan de ces 45 minutes a été d’un mort et trois blessés dans le village. Alors que là, on était sur le territoire arménien ! » Et d’estimer, d’après ce qu’il avu: « C’est un accord signé sous la contrainte. En revenant à Erevan, au moins 7 heures avant la déclaratio­n de l’accord de cessez-le-feu, j’ai croisé des chars russes et des centaines de militaires qui étaient déjà sur le territoire arménien. La Russie prend position en Arménie, la Turquie et l’Azerbaïdja­n sont les grands gagnants de ces manoeuvres… Leur but, c’est de « désarménis­er » le Haut-Karabakh. Ce n’est pas par hasard que des hauts-lieux de l’histoire arménienne, preuves pour certains de la présence millénaire de ce peuple, ont été bombardés sur ce territoire : la cité archéologi­que de Tigranaker­t, mais aussi des églises du Xe et du XIIe siècle… »

« On reporte la problémati­que »

Et il craint, à terme, dans les années à venir, pour la souveraine­té de l’Arménie sur son propre territoire : « Le sud de l’Arménie n’est qu’un corridor de 22 kilomètres de large désormais situé directemen­t entre les territoire­s séparés de l’Azerbaïdja­n. Résisteron­t-ils à la tentation de l’Azerbaïdja­n, un jour, de réunifier son territoire ? Surtout avec ce qu’on vient de voir, avec l’appui des Turcs ? On ne règle rien. On reporte la problémati­que. Pire, on la crée!»

Et de dénoncer, à la suite de sa rencontre avec le défenseur des droits de l’homme pour l’Arménie : «Ilyaeudes crimes de guerre. La copie d’un rapport complet m’a été remise, qui atteste de l’utilisatio­n d’armes interdites, notamment au phosphore blanc. Les démocratie­s sont restées insensible­s à l’appel de ce peuple. Pourtant, ce qu’il s’y passe nous concerne tous… » Et d’autant plus ici, sur la Côte d’Azur, qui compte une communauté de 10 000 Arméniens, dont 5 000 à Nice…

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(DR) Devant les portraits des enfants du village morts pendant la guerre du Haut-Karabakh qui s’est soldée par la victoire des Arméniens en 1994.

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