Nice-Matin (Cannes)

La France bat le Portugal et jouera le “Final Four”

Toujours habité par l’esprit des Fitzgerald qui y vécurent alors que le lieu était une villa, l’hôtel cinq étoiles de Juan-les-Pins raconte les années folles avec le naturel d’un témoin de l’époque. N’empêchant en rien l’histoire de se prolonger avec élég

-

Elle aime commencer par là. Par le salon de musique, où sont exposés les prix Fitzgerald, qui, depuis dix ans, récompense­nt de grandes plumes internatio­nales perpétuant l’« esprit » Francis Scott. Tout en haut, les splendides céramiques que crée le Vallaurien Claude Aiello pour l’occasion trônent en majesté. C’est une des petites touches personnell­es que Marianne Estène-Chauvin, qui veille sur la prestigieu­se maison familiale depuis 2001, a ajoutée au Belles-Rives. Un hôtel à l’histoire éblouissan­te. Une âme avec laquelle il faut être précaution­neux. Agir avec raffinemen­t. Sérieux et passion. Une bonne fée s’est penchée sur son berceau. Marianne Estène-Chauvin possède tous ces dons. La propriétai­re invite à admirer la fenêtre.

Courbes « art nouveau », en bois blanc. « Cette fenêtre est là depuis la villa Saint-Louis. Une petite maison, fermette néonormand­e, adossée à la pinède et sise en bord de mer. »

Elle exhume les souvenirs iodés et raconte. On remonte le temps. Au lendemain de la première guerre mondiale, l’anse juanaise abrite marécages, moustiques et pêcheurs. On ne s’y baigne pas. On y bronze encore moins.

En , les Fitzgerald s’y installent

Un couple qui vivait alors entre la Normandie et Paris, fait bâtir cette villa. Monsieur a été gazé pendant le conflit mondial. « Du soleil, et vous irez mieux », lui conseille un médecin. Malheureus­ement, il décède sans avoir pu poser un orteil sur la Côte d’Azur. Son épouse propose la maison à la location. « Une modeste demeure. Il y avait alors un seul étage et deux chambres...Des balcons et des fenêtres en bois », rappelle Marianne Estène-Chauvin.

En mai 1925, les clés sont remises à des locataires très spéciaux. Scott et Zelda Fitzgerald s’y installent. Après Paris, leur « couple de dingues » (dixit Scott) sans cesse dans l’excès, a besoin de l’antidote qu’offre Saint-Louis, où tout semble si rafraîchis­sant.

Ce n’est pas encore l’actuel Belles-Rives mais, déjà, un personnage posé dans l’un des plus beaux décors du monde qui deviendra au passage la matrice romanesque de Tendre est la nuit, en grande partie écrit là.

On reçoit – Cole Porter, les Murphy, ou tout autre Américain ayant assez le sens de la fête pour avoir quitté la prohibitio­n qui règne dans son pays – on s’étourdit, on invente et on rêve sa vie.

Maison du bonheur

Devant la mer qui s’étend à perte de vue et sa « green lantern » pour guider les bateaux, Fitz, écrit ceci : « Je suis plus heureux que je ne l’ai été depuis des années. C’est l’un de ces étranges, précieux et trop éphémères moments où tout semble bien aller. »

Lui, le dandy mélancoliq­ue parlant de bonheur ? La phrase, précieuse, est encore aujourd’hui agrippée à l’un des murs du lobby. La parenthèse se referme fin 1926. Francis Scott Fitzgerald est appelé à Hollywood, et Zelda entame un triste tour des cliniques.

La maison du bonheur leur survivra. Un peu par miracle. « Mon grand-père, Boma Estène, a fui la Russie. Il rêvait de rejoindre les États-Unis, en prenant le bateau au Havre. Il ne prendra pas ce chemin. À Paris, on lui souffle qu’en partant du port de Marseille, peutêtre, il pourrait rejoindre le Nouveau monde », se souvient la propriétai­re de l’hôtel. Le coeur a ses raisons... Dans le Sud, Boma rencontre Simone. Coup de foudre. Jeunes mariés, ils se promènent le long du bord de mer de Juan-lesPins. Là où les Américains viennent s’encanaille­r.

Le flair Estène

« Mon grand-père avait dit à ma grand-mère, “si un jour, on gagne de l’argent, on rachète cette maison et on en fait un hôtel”. »

Ce qu’ils firent rapidement, en 1929.

Les Estène ont du flair. Et un goût sûr transmis de génération en génération. Entre 1930 et 1931, une aile et deux étages complètent l’hôtel qui compte aujourd’hui quarante-deux chambres – dont les numéros commencent à 50, on ignore l’origine de cette fantaisie. La transforma­tion s’opère en douceur. En conservant les codes, les pierres en façade de la Villa SaintLouis. Seuls les balcons en bois de la maison sont retirés. Au profit de ferronneri­es imitant le mouvement des vagues. Deux lettres. Un B et un R comme une estampe bleue éternelle sont apposées sur le fronton du bâtiment. Boma Estène s’entoure de décorateur­s de renom dont Victor Gillino, auteur par ailleurs du mobilier du Palm Beach et du Palais de la Méditerran­ée, qui mettra tout son talent au service de l’aménagemen­t des salles du nouvel établissem­ent, utilisant un savant mélange de bois précieux – citronnier, palissandr­e – et de formes innovantes.

‘‘

Au début, une modeste demeure, avec des balcons en bois”

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France