Les agrumes ont trouvé leur jardin d’Eden

Au domaine du Jasson, à La Londe, Anne et Philippe Carra veillent sur un trésor aux multiples variétés.

C’est avant tout une histoire de famille remontant à loin... à 1867. À l’époque des élégants, des visionnaires. Il était de cette trempe l’arrièrearrière-grand-père de Philippe et Anne Carra. Amoureux du terroir au point d’acquérir le domaine du Jasson alors en activité viticole à La Londe. Puis le temps a rempli son éternel office. Les terres sont tombées en désuétude. Avant que le père, du frère et de la soeur, ne leur redonne leur éclat d’antan. Sous l’impulsion du pharmacien, les oiseaux du Paradis (strelitzias) ont déployé leurs pétales. Tandis qu’un bouquet de kumquats profitait, en extérieur, des caresses du soleil... La première pierre d’une passion dévorante. Car si les oliviers ont pris possession des 19 hectares de ce havre de paix, il subsiste une île aux trésors. Une serre vouée à tous les délices, à tous les agrumes. Du plus petit au plus gros, du plus vert au plus jaune...

« Au départ, on a cultivé le combava et les citrons verts, détaille Anne, le regard rivé sur ses arbres à pépites d’or. Ensuite, on s’est diversifié avec les pamplemousses, les mandarines, l’Eureka, les oranges amères... »

Petit à petit, les Carra ont densifié leur production de ces joyaux aux multiples carats. Yuzu, citrons caviar, kalamansi, Meyer, bergamote, cédrat, main de bouddha, plus d’une vingtaine de variétés s’épanouissent en ce sol

‘‘ acide. Parfait pour leur croissance. Et sans la moindre potion chimique. Pure sorcellerie aux yeux de leurs deux alchimistes. Lesquels misent sur la qualité plus que la quantité. Et tant pis s’ils ne parviennent pas à répondre à la demande. Des particuliers d’abord. Surpris, parfois, de ne voir ici aucune chambre froide, d’être servis au pied de l’arbre !

« Un fruit, il se vend mûr, insiste Anne. Ne comptez pas sur nous pour déroger à cette règle... » Pour dénaturer le goût de ces agrumes uniques qui, bientôt, devraient être rejoints par un petit dernier. « Mais c’est encore un secret. On réfléchit... » Réfléchir ? Restaurateurs, pâtissiers, glaciers, parfumeurs, producteur de gin, eux, n’en ont plus besoin. Les commandes affluent de la France entière. Dernière en date, celle imposante, du champion du monde de confitures en 2015 : Stéphan Perrotte. Une marque de confiance, s’il en est.

Une voie à suivre aussi pour les Carra qui, du coup, ont décidé de mettre les doigts dans le pot à leur tour.

Sur place et artisanalement, ils jouent avec les goûts. Osent coupler la fraise, ou la figue, au citron, par exemple.

Déshydratés ou huilés

Mais ce n’est pas tout. En perpétuelle remise en question, depuis l’année dernière, ils déshydratent leurs agrumes. Étonnant, non ?

« On avait des pertes sur la récolte. Ce qui était problématique. Alors, on a cherché à sauver ces citrons qui jonchaient le sol... »

L’expérience a été rapidement couronnée de succès.

Passés au déshydrateur, une fois taillés, les citrons sont empaquetés et mis à la vente. « Vous pouvez manger ça comme un bonbon. Ou vous en servir dans une recette de gâteau, pour un cocktail, dans une mousse au chocolat, une daube. C’est délicieux... »

Le temps de goûter un kumquat et, effectivement, l’effet plaisir, un brin déroutant au départ, est immédiat. Intense...

Et que dire de leurs fameuses « Agrulive » – marque déposée et protégée – (lire ci-contre). Fruit de leur imagination. De leur quête d’innovation. De sensations uniques grâce au mariage des agrumes et des olives!

« Ces huiles s’utilisent comme les traditionnelles. Mais elles accompagnent bien les poissons, les salades bien sûr, ainsi que les viandes blanches. Après, c’est très subjectif... »

Il n’empêche qu’au moment de laisser couler un filet de cet or vert et citronné sur un plat, la magie gustative opère. Comme quoi l’agrume a vraiment plus d’un tour dans son zeste et son ziste.

Un fruit, il se vend mûr. Ne comptez pas sur nous pour déroger à cette règle”