Nice-Matin (Cannes)

Stan Appenzelle­r, sous les platanes de Seillans

Le peintre, né à Menton, est tombé sous le charme de la place Thouron qui, au début du XXe, attirait les touristes chics de la Côte.

- ANDRÉ PEYREGNE nous@nicematin.fr

Quelle est cette place où les platanes dressent, comme à une fête, leurs bras noueux au-dessus de la fontaine ? La place Thouron à Seillans. C’est ainsi que l’a vue, en 1950, le peintre d’origine polonaise né à Menton Stan Appenzelle­r. On ferait volontiers halte dans ce coin de village qui respire la Provence.

On se glisserait dans cette ambiance colorée, mi-ombre mi-lumière, aux tons jaunes, ocre, marron. Mais le banc est déjà pris. On est arrivé trop tard ! Combien de temps l’homme au chapeau vat-il y rester ? Les siestes, sur les bancs des villages peuvent durer longtemps ! Ou peut-être l’homme attend-il quelqu’un ? Ce sera encore plus long. Le temps qu’ils échangent les nouvelles du jour. Parler de l’actualité, c’est sans doute ce que font les trois personnes, en bleu, rouge et noir, que l’on voit à droite. Il y a tant de choses à dire sur la vie quotidienn­e des villages : les indiscréti­ons, les potins, les soupçons, les trahisons !…

Un platane a disparu

Depuis 1950, la place Thouron n’a guère changé. On la voit aujourd’hui telle qu’elle fut il y a soixante-dix ans. À part que le platane, au fond, à droite, a disparu. Il est mort et a été abattu.

Dans le fond, se trouvait un restaurant, le Clariond. Un restaurant existe toujours, portant à présent un nom à la Pagnol, la Gloire de mon père. À l’époque, le Clariond était si célèbre que lorsqu’à Cannes les touristes du Carlton ou du Majestic demandaien­t au concierge « Pouvez-vous nous indiquer un restaurant typique de village dans l’arrièrepay­s ? », celui-ci répondait « Le Clariond à Seillans ». Alors, les touristes, empruntaie­nt la route sinueuse qui monte, au travers des chênes et des vignes, vers les villages perchés du Haut Var (l’autoroute n’existait pas) et venaient jusqu’ici. Combien de célébrités sont venues déjeuner sous ces platanes !

À droite, se trouvait la maison de Patrick Walberg. Ce critique d’art américain qui, après avoir épousé la fille des notaires du village, était venu s’installer dans cette maison aux murs épais y recevait Duchamp, Prévert, Man Ray. C’est là, aussi, qu’il accueillit le peintre allemand Max Ernst et que celui-ci, séduit par le lieu, décida de s’installer à Seillans où il finit sa vie. La maison est devenue aujourd’hui l’Office du tourisme et le Musée Ernst. C’est là aussi qu’on voit les oeuvres d’Appenzelle­r, sur laquelle veille le premier adjoint de la commune lui-même, Serge Leibovitz.

Gamme sauvage

Stan Appenzelle­r était influencé par les expression­nistes. « L’origine de ma forte et sauvage gamme de couleurs est d’abord issue du folklore de la Pologne », dit-il. Il ne mélange pas les couleurs sur sa palette. Il les répand telles quelles sur la toile. À l’oeil, ensuite de les mélanger ! Lorsqu’on gravit le petit escalier raide du Musée Ersnt, penchant la tête au dehors on domine la place Thouron. Le vieil homme au chapeau n’est plus sur le banc. Les touristes passent. Mais la place Thouron n’a pas changé…

Dans cette maison, Walberg recevait Duchamp, Prévert, Man Ray, Max Ernst

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 ??  ?? La Place Thouron, par Stan Appenzelle­r. Huile sur toile. Musée Max-Ernst à Seillans.
La Place Thouron, par Stan Appenzelle­r. Huile sur toile. Musée Max-Ernst à Seillans.

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