Charles Nègre, entre pinceaux et objectif
Ses clichés sont aujourd’hui les témoins de ce temps où, grâce à l’avènement du tourisme, notre Riviera aux hivers cléments va être bouleversée.
Pionnier de la photographie sur papier et membre fondateur de la Société héliographique en 1851, Charles Nègre est mort dans l’anonymat. Il ne sera redécouvert qu’en 1936, à la faveur de grandes expositions photographiques organisées à Paris, à New York et sur la Côte d’Azur en 1980, pour le centenaire de sa mort.
Né le 9 mai 1820 au 16 rue des Suisses (rebaptisée de son nom en 1913) à Grasse, Charles Nègre a toujours eu une passion pour l’image. Après des années de formation à Paris tant en peinture qu’en photographie, il revient dans sa région natale où, en saisissant villes et paysages sur toiles et papiers glacés, il lui offre une mémoire.
De la peinture à la photographie
Charles est d’abord un grand peintre qui commence sa formation académique à Aix-enProvence à 18 ans avant de la compléter aux Beaux-Arts à Paris où il reçoit une excellente formation. Malgré sa présence sur des salons d’art, la déception de n’avoir qu’un succès d’estime l’oblige à chercher une autre voie pour se faire un nom. Lorsqu’en 1844, il découvre le daguerréotype – premier procédé photographique –, il décide de se consacrer à cette technique révolutionnaire à laquelle il prédit un grand avenir. Entre 1851 et 1854, Charles Nègre va photographier tout ce qu’il voit. À Paris, dans le sud de la France, puis un peu partout (lire encadré).
En 1855, son premier ouvrage, Album
est un échec entraînant l’amertume du Grassois.
Dépité, il décide d’innover en améliorant l’héliogravure, une toute nouvelle technique qu’il fait breveter en 1856. Mais la complexité et le coût trop élevé font qu’il ne rencontre pas le public. Nouvelle déception pour Charles qui, début 1861, décide de regagner sa région d’origine.
Installation à Nice
Il opte pour Nice où le rattachement à la France et l’arrivée du train ouvrent de nouvelles perspectives. Il s’installe au 3 rue Chauvin où il monte un atelier et parallèlement, il devient professeur de dessin au lycée Impérial. En 1866, il déménage au 5 rue Saint-Étienne (actuellement Alphonse-Karr, Georges-Clemenceau) et commence à être reconnu comme photographe. Pour la diffusion de ses tirages, il utilise les éditeurs-libraires locaux, Amarante à Menton, Robaudy à Cannes ou Delbecchi à Nice. Après l’exposition des Beaux-Arts, à Nice, en 1861 où il présente 8 tableaux et 11 photographies, il rencontre enfin le succès. Les commandes affluent. Malheureusement, il aura attendu le succès longtemps et, malade et affaibli, Charles Nègre ne plus fait de clichés lors de la dernière décennie de sa vie. Il s’éteint à Grasse le 16 janvier 1880 et est inhumé au cimetière Sainte-Brigitte de Grasse. Son matériel et ses clichés ont été récupérés par d’autres photographes. Des années après sa mort, un vaste chantier d’identification de ses oeuvres photographiques a été mis en place. Peut-être certaines cherchent-elles encore la signature de leur auteur ?
Pour la région, ses clichés sont une sorte de guide illustré de toute une époque