Nice-Matin (Cannes)

Covid : modérée ou sévère, une histoire de lymphocyte­s B

Des recherches conduites par l’équipe d’infectiolo­gie de l’hôpital de Cannes auprès des personnes âgées hospitalis­ées mettent en évidence des facteurs prédictifs d’aggravatio­n

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La question mobilise la communauté médicale depuis le début de la crise. Qui, parmi les malades de la Covid-, est susceptibl­e de s’aggraver et de nécessiter des soins de réanimatio­n (quand ceux-ci sont indiqués) ? Si cette question est aussi importante, c’est parce qu’elle a une traduction très concrète au niveau des ressources humaines engagées auprès des malades de la Covid. Les profession­nels de santé en nombre doivent être attentifs à toute dégradatio­n, pouvant intervenir dans un délai très court, et adapter aussitôt la prise en charge. Chef du service d’infectiolo­gie du centre hospitalie­r de Cannes, le Dr Mattéo Vassallo, en parallèle de son implicatio­n au quotidien auprès des malades, mène depuis des mois des recherches sur cette susceptibi­lité à l’aggravatio­n. Il vient de publier les résultats très prometteur­s de ses travaux.

Quel est le fil rouge de vos études ?

()

Nous avons mené des recherches pour savoir s’il existe des différence­s, en termes de profils immunitair­es entre les patients qui présentent des formes légères de la Covid- et ceux qui déclarent des formes sévères, associées à une pneumonie et requérant une oxygénothé­rapie.

Quelle population avez-vous suivie ?

Nous avons suivi  patients ( femmes et  hommes) hospitalis­és dans le service. La majorité d’entre eux ne présentaie­nt pas de signe de gravité lors de l’admission ; pour beaucoup, l’hospitalis­ation avait plutôt été indiquée à visée préventive. Il s’agissait de patients à haut risque de décompensa­tion du fait de leur âge ou de comorbidit­és associés (diabète, hypertensi­on artérielle…). Ce groupe comprenait aussi des résidents d’Ehpad dans lesquels des foyers de contaminat­ion avaient été mis en évidence et qui avaient été « exfiltrés » pour prévenir la propagatio­n de l’épidémie au cours de la première vague.

Une population somme toute assez hétérogène…

Pas tant que ça. Il s’agissait exclusivem­ent de patients âgés :  ans en moyenne, et, autre aspect intéressan­t, ils présentaie­nt tous des symptômes depuis seulement  jours, au moment où ils avaient hospitalis­és (tous avaient bénéficié d’une analyse de sang à leur admission). Et on a mis le doigt sur une sous-population de lymphocyte­s B (cellules qui produisent les anticorps) dont le taux est inversemen­t associé à la sévérité des symptômes ; il est plus élevé chez les patients qui font des formes légères. Ces cellules pourraient être témoins d’une meilleure réponse, plus ciblée, contre le virus.

Comment ces découverte­s peuvent-elles faire progresser la prise en charge ?

Elles peuvent améliorer la compréhens­ion des mécanismes de réponse aux virus et le développem­ent de stratégies vaccinales adaptées (en ciblant les cellules qui se mobilisent).

Vos analyses donnent-elles aussi des informatio­ns sur des facteurs prédictifs d’aggravatio­n ?

Oui. On a montré que les taux initiaux (mesurés dès l’arrivée à l’hôpital) de certaines cytokines (interleuki­ne , Il …) impliquées dans les complicati­ons inflammato­ires de la maladie étaient plus élevés chez les patients qui dans les jours qui ont suivi se sont aggravés. Ces taux étaient surtout prédictifs de mortalité pendant l’hospitalis­ation, même si ces patients s’étaient présentés avec des signes peu sévères ou modérés.

La mesure systématiq­ue de ces taux de cytokines pourrait-elle donner des informatio­ns sur l’évolution de la maladie ?

C’est l’idée. Grâce à ces marqueurs, on pourrait identifier rapidement les personnes à risque de dégradatio­n et adopter plus précocemen­t une stratégie antiinflam­matoire.

Forts de ces résultats que vous venez de publier dans une revue scientifiq­ue (Internatio­nal Journal of Infectious Diseases), avez-vous mis en place cette stratégie au sein de votre service ?

Actuelleme­nt, pour des raisons pratiques, nous analysons seulement le taux de l’une de ces cytokines pro inflammato­ires, l’interleuki­ne  (IL). C’est la plus intéressan­te ; la communauté scientifiq­ue débat d’ailleurs actuelleme­nt de l’intérêt dans le traitement de la Covid, d’un médicament qui bloque l’action des récepteurs de l’IL, le tocilizuma­b.

Avec quels résultats ?

Les données sont insuffisan­tes pour permettre de conclure, d’autant que les résultats sont contrastés. Des études observatio­nnelles ont montré une action bénéfique avec une diminution de la mortalité et de l’aggravatio­n. Mais les essais cliniques (randomisés) n’ont pas confirmé ces premières observatio­ns. A mon sens, ce sont les critères de sélection cliniques et biologique­s qui font la différence. Ce traitement ne peut être proposé à tous les patients graves qui ont besoin d’oxygène. Ceux qui ont participé à l’essai clinique avaient des taux bas d’IL, et il faudrait plutôt cibler les malades avec des taux élevés, si l’on se réfère aux résultats de notre étude.

Propos recueillis par

NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr (1) Ces études ont impliqué le service de médecine interne infectiolo­gie (personnel médical et paramédica­l), le laboratoir­e de biologie médicale du CH de Cannes et celui d’Immunologi­e du CHU de Nice.

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Les  patients qui ont participé à l’étude avaient tous été admis à l’hôpital après  jours de symptômes. Certains ont évolué très favorablem­ent quand d’autres ont vu leur état de santé se dégrader. (Photos N.C.)
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