Le tunnel est-il condamné ?
La tempête Alex a laissé le col de Tende pulvérisé. Le chaotique chantier semble compromis. L’accès au tunnel historique aussi. L’Italie préconise de percer un autre tube plus bas, jusqu’au hameau de Vievola
C’est une autre victime collatérale de la tempête Alex. Une victime âgée de 138 ans. Elle a résisté à l’usure du temps, aux normes drastiques imposées après l’incendie du tunnel du Mont-Blanc, à la concurrence de son voisin en éternel chantier. Mais le tunnel de Tende pourrait ne pas survivre au 2 octobre 2020. Clairement, cette victime-là n’est pas la priorité des Tendasques. Éprouvés, les villageois renouent tout juste avec l’eau potable, dépendent encore de l’aide alimentaire et comptent les jours avant le retour du train français, prévu le 18 janvier. « Pour le moment, on n’en est pas là », résume le maire Jean-Pierre Vassallo.
Montagne à terre
Pourtant, le front post-tempête qui se joue plus haut, à 1 300 mètres d’altitude, représente un enjeu décisif pour l’avenir de la vallée. Et ce front-là illustre l’idée du « bombardement météorologique » subi par la Roya.
Au col de Tende, loin des regards et de tout accès routier par la France, la montagne s’est littéralement effondrée. En témoignent les images aériennes saisies par le Cerema peu après la tempête
(1) (ci-contre). Le tableau se serait encore dégradé depuis.
Conséquence ? Le tunnel historique de Tende et sa doublure, qui devait être livrée en 2024, ne seront pas accessibles avant des années... S’ils le redeviennent un jour. À croire que « le chantier est maudit », acquiesce Massimo Riberi, le maire de Limone (cf chronologie en page suivante).
Plan B, ou plutôt C
Amorcé en 2014, stoppé par la justice en 2017, repris en 2020, le chantier du « tunnel bis » devait livrer un tube de 3,2 km assurant le désenclavement la Roya. À force de péripéties, l’affaire était déjà mal engagée. Elle apparaît carrément compromise. « À ce stade, le tunnel de Tende est condamné », a reconnu dans
nos colonnes Xavier Pelletier, le préfet délégué à la reconstruction des vallées. La France devait financer 41 % de ce chantier XL ; elle n’a pas dit son dernier mot. Mais l’Italie, qui le pilotait, est prête à tirer une croix dessus. Et à repartir sur un projet tout neuf.. Ou presque. Un projet vieux de quinze ans a refait surface depuis la tempête. Ce tunnel long de cinq kilomètres, à double sens, relierait toujours Tende et Limone. Mais plus bas, entre le hameau de Vievola, au-dessus de Tende et Panice Sottana, côté italien.
Le projet est plébiscité par les maires et collectivités italiennes. Il semble avoir aussi les faveurs de la ministre des Transports Paola De Micheli. Saura-t-il convaincre côté français ? À voir.
Réunion au sommet
L’idée d’en reprendre pour dix ou quinze ans d’études, appels d’offres et travaux a de quoi donner le vertige. À moins que l’Italie, galvanisée par la reconstruction du pont de Gênes en un temps record, ne remette ça. Elle va nommer un commissaire spécial dédié au tunnel de Tende la semaine prochaine.
Une certitude : la tempête Alex oblige à revoir toute la copie. Et à voir plus loin. L’association Roya Expansion Nature réclame que la DUP (déclaration d’utilité publique) « du doublement du tunnel de Tende soit définitivement annulée pour cause de changements de fait majeurs. »
La conférence intergouvernementale du 30 novembre s’annonce décisive pour le bon vieux tunnel. Son avenir pourrait être réservé aux piétons et cyclistes. (1) Centre d’études sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.