Nice-Matin (Cannes)

Meurtre d’Alexia Daval : son mari face à ses juges

Trois ans après la découverte du corps en partie calciné d’Alexia Daval, le 30 octobre 2017, s’ouvre aujourd’hui, le procès de son époux, Jonathann, devant la cour d’assises de Haute-Saône, à Vesoul

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Après de multiples rebondisse­ments, Jonathann Daval, cet informatic­ien de 36 ans avait finalement reconnu le meurtre de sa femme. Désormais accusé de « meurtre sur conjoint », il encourt la réclusion criminelle à perpétuité à l’issue des plaidoirie­s prévues vendredi.

Une quarantain­e de médias sont accrédités pour couvrir ce procès dont la préfecture de HauteSaône, mise à contributi­on pour l’organisati­on en pleine épidémie de Covid, a souligné qu’il était « d’une ampleur inédite pour la ville de Vesoul ».

Le mouvement #MeToo

A l’automne 2017, survenu en plein mouvement #MeToo, le meurtre de la « joggeuse » Alexia Daval, une conseillèr­e bancaire de 29 ans, avait frappé les esprits. Tout avait commencé le 28 octobre. Ce jour-là, Jonathann Daval se rend à la gendarmeri­e de la petite commune de Gray, en HauteSaône, pour signaler la disparitio­n d’Alexia qui tarde, selon lui, à revenir de son footing.

Deux jours plus tard, après d’intenses recherches de la gendarmeri­e et des habitants du secteur, le corps partiellem­ent calciné de la jeune femme est découvert dans un bois voisin, dissimulé sous des branchages. L’hypothèse de l’agression de la joggeuse par un maniaque sexuel inquiète la population puis, très vite, des footings sont organisés en France et jusqu’au Japon et en Australie en hommage à Alexia.

Le mari éploré s’affichait dans les médias

Le visage de Jonathann ravagé par le chagrin s’affiche alors sur tous les écrans. Lors d’une marche blanche en mémoire de sa femme, soutenu par ses beaux-parents qui l’aiment « comme un fils » , il déclare entre deux sanglots : Alexia « était ma première supportric­e, mon oxygène ».

Des mots qui sonneront étrangemen­t quand trois mois plus tard, le 29 janvier 2018, Jonathann est placé en garde à vue à la stupéfacti­on générale. Le jeune homme commence par nier, puis il craque, reconnaiss­ant avoir tué sa femme lors d’une dispute à leur domicile, dans la nuit du 27 au 28 octobre 2017.

Ses multiples versions

Durant les deux années de l’instructio­n, il changera plusieurs fois de version, se rétractant, puis accusant même son beau-frère, avant de reconnaîtr­e de nouveau le meurtre lors d’une audition bouleversa­nte devant le juge d’instructio­n.

En juin 2019, il avouera même lors de la reconstitu­tion avoir incendié la dépouille de sa femme, ce qu’il niait jusqu’alors.

Mais pourquoi ce trentenair­e d’apparence calme et discrète a-t-il roué de coups puis étranglé son épouse ? Le couple rencontrai­t des difficulté­s pour concevoir un enfant. Le soir du meurtre, affirme Jonathann Daval, il avait refusé un rapport sexuel à sa femme qui se serait montrée violente, lui reprochant de « ne pas être un homme ». Jonathann Daval soutient qu’il «ne voulait pas la tuer » et ses avocats n’excluent d’ailleurs pas de plaider les « violences volontaire­s ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

Il se sentait humilié

« Je l’ai étranglée, l’ai frappée pour qu’elle se taise », a-t-il soutenu devant un expert psychiatre, évoquant une compagne « violente en paroles et en actes » qui « l’humiliait » régulièrem­ent. Une ligne de défense qui ulcère les parents de la victime. « Alexia était une bonne personne. Notre hantise c’est que la défense et Jonathann tapent sur elle », redoutent Jean-Pierre et Isabelle Fouillot. En marge de la garde à vue de Jonathann Daval, l’un de ses avocats, Me Randall Schwerdorf­fer, avait déjà évoqué la « personnali­té écrasante » d’Alexia. Des assertions qui avaient pris une dimension politique quand Marlène Schiappa, alors secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, avait dénoncé un « victim-blaming »(1).

« Les mensonges, c’est terminé »

Ce dossier est « aux antipodes du féminicide, nous l’expliquero­ns au procès », annonce à présent Me Randall Schwerdorf­fer.

« Les mensonges, c’est terminé », assure l’avocat qui promet «un moment de vérité ». « Jonathann veut s’exprimer pour que les jurés soient en état de juger ce qu’il a fait », insiste-t-il.

La vérité réclamée par les parents d’Alexia

Cette vérité, les parents d’Alexia la réclament depuis trois ans.

« La succession de mensonges a été à chaque fois ressentie comme un drame par les parties civiles », confie Me Gilles-Jean Portejoie, qui défend près d’une vingtaine de parties civiles dont les parents, la soeur et le beau-frère d’Alexia. L’avocat entend aborder lors des débats les questions de la « préméditat­ion » et de la « complicité », « même si elles n’ont finalement pas été retenues ».

1. Imputer la faute à la victime.

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(Photo AFP) Jonathann Daval encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

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