Nice-Matin (Cannes)

Maximin nouveau mentor au sein de l’École Ducasse

Le chef azuréen, étoilé Michelin pendant près de quarante ans, rejoint l’équipe de ce campus d’excellence. Son rôle ? Accompagne­r et guider les élèves et le corps pédagogiqu­e

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE ET VINCENT BELLANGER vbellanger@nicematin.fr

‘‘leur

On n’est pas là pour crier dessus”

J’ai un traducteur pour mes cours”

Allô ? Ah tiens, qu’est-ce que t’as fait avec le lait de lard ? » Entre deux volutes de gitane, le téléphone de Jacques Maximin peine à se taire. Et pour cause, ce matin, il quitte ses pénates vençois pour retrouver un nouveau terrain de jeu signé par son ami Alain. Désormais encadrant de l’École Ducasse au sein du triumvirat complété par Thomas Guichard et Guillaume Katola – après le départ de Christophe Raoux –, le MOF (Meilleur ouvrier de France) donne de sa personne du côté du Meudon. 5 000 m2 de tout beau, de tout bon, de tout neuf pour permettre aux élèves de cette institutio­n privée d’apprendre avec la crème de la crème.

Un écrin de formation pour les toqués de demain que l’étoilé durant près de quarante ans rejoint en tant que conseiller culinaire et chef en résidence.

Un mentor qui, à 72 ans, continue de transmettr­e un savoir-faire séculaire. Un trésor qu’il se bat pour sauvegarde­r.

Pourquoi avoir accepté ce nouveau défi ?

Ce n’est pas un défi. Je suis entré ici parce que c’est Alain.

Quel est votre rôle dans cette école ?

Celui de mentor. J’entoure, je rassure, je conseille. J’encadre des masterclas­s et je suis également présent pour les professeur­s. C’est cela que j’aime, échanger avec ceux qui ont la même passion que moi.

À quoi ressemblen­t vos journées là-bas ?

Quinze heures de boulot nonstop en démarrant à  heures. C’est intense. On a trois recettes à faire par exemple en une session et il faut les réaliser.

Ambiance coup de feu ?

Franchemen­t ? C’est calme. On n’est pas là pour leur crier dessus. Le but est de leur apprendre à cuisiner dans les règles de l’art. Et ce, dans un cadre incroyable.

Sincèremen­t je n’ai jamais vu une telle infrastruc­ture de ma vie comparable à celle-ci en termes de moyens déployés pour la cuisine et le bien-être des élèves. Et les produits sont également du même acabit.

C’est-à-dire ?

Si je vous dis qu’on leur apprend à faire le Homard Thermidor avec du homard breton, ça vous donne déjà le topo. Ils ont entre leurs mains l’excellence : les meilleures truffes, le meilleur foie gras, les fruits et légumes des Vergers Saint-Eustache… C’est sublissime, il n’y a pas d’autre mot.

Comment s’est passée la rentrée lundi dernier dans les nouveaux locaux de Meudon ?

Tout est optimum pour permettre aux inscrits de tirer le meilleur avec des professeur­s – faut les voir vraiment – triés sur le volet. Covid oblige, ce sont environ  élèves au lieu des près de  qui ont pu démarrer leur formation. J’ai eu deux cours avec des parcours en reconversi­on, c’est intéressan­t.

Quels sont les profils que vous y rencontrez ?

Il y a de tout. Comme le mec de soixante balais qui a fait toute sa carrière dans la finance et qui, d’un coup se réveille et veut monter sa maison d’hôte. Je pense aussi à une

‘‘ gamine, - ans, qui a quitté ses études de droit pour passer à autre chose.

Sur la vingtaine d’adultes que je suis en reconversi­on, tous – à l’exception d’un – ont pour ambition de monter leur propre affaire. Je suis aussi là pour engager le dialogue avec eux.

L’idée est de toucher un public internatio­nal, non ?

C’est pour ça qu’on traduit ce que je dis en cours.

Comment ça ?

À chaque masterclas­s j’ai un traducteur qui m’accompagne et donne la version anglaise de mon discours.

Pas évident de former une nouvelle génération de cuisiniers lorsque l’actuelle vit un drame, non ? (voir encadré)

Pour eux c’est différent. Ce n’est pas demain qu’ils vont ouvrir leur affaire, ils se projettent dans un autre temps. Il faut vivre d’ambition et d’espoir, sinon on ne se lance pas dans cette voie.

Sur la logistique, la crise sanitaire impose de s’adapter côté formation…

Nous avons un restaurant d’applicatio­n qui est censé être ouvert au public. Donc effectivem­ent là, c’est fermé. Mais par contre cela ne nous empêche pas de faire des services « à blanc ». Je garde un oeil sur la carte et les essais réalisés par les élèves. Du coup, la formule « à emporter » est privilégié­e.

Sur quoi ne dérogez-vous absolument pas en tant que formateur ?

Pour commencer je m’attache à la gestuelle. On part des bases : comment tenir un couteau, comment fouler, tamiser…

Et vous partagez également votre riche expérience…

Leur partager l’Histoire avec un grand H d’un plat par exemple ou encore leur montrer qu’en cuisine il n’y a pas forcément une seule manière de faire. Je leur partage mon vécu.

Comme un guide ?

Oui, c’est ça.

 ?? (Photo archives Frantz Bouton et Franz Chavaroche) ?? Jacques Maximin rejoint le triumvirat encadrant le nouvel espace de formation privée de son ami Alain Ducasse.
(Photo archives Frantz Bouton et Franz Chavaroche) Jacques Maximin rejoint le triumvirat encadrant le nouvel espace de formation privée de son ami Alain Ducasse.

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