«Des élèves infirmières balancées en réa pour € par mois »
Elle est infirmière à L’Archet 2 à Nice depuis cinq ans, toute jeune dans la profession. Elle ne dira pas dans quel service, ne donnera pas son nom « pour se protéger ». Sur sa blouse, elle a écrit au marqueur : « Infirmière en colère ». Elle parle de l’épuisement. Et de l’espoir qui reste, malgré tout, de pouvoir faire son métier correctement.
Le ressenti global
On se sent abandonnés. Avant la pandémie, il y avait des soucis à l’hôpital public. Ils n’ont fait que s’accentuer avec la crise. On a des horaires de fou. On revient sur nos jours de repos, on annule nos vacances. Il y a le stress. La peur de contaminer nos proches, d’être contaminés à l’extérieur et de ramener le virus à l’hôpital. Il y a surtout l’épuisement : au CHU, on a beaucoup de démissions, de gens qui craquent, beaucoup d’arrêts de travail. Dans le service où je travaille, il y a des étudiantes qui pensent déjà à arrêter… Les élèves infirmières sont de la chair à canon. On les réquisitionne alors qu’elles étaient en stage professionnalisant, on les balance en réa alors qu’elles n’ont jamais vu une intubation, qu’elles ne sont pas formées. Tout ça pour 136 euros par mois !
Soutien populaire évaporé
La première fois qu’on nous a applaudis, le premier soir, ça nous a fait plaisir. On a vite compris que ce n’était qu’un moyen de fédérer les Français pendant le confinement. Dès qu’on a été déconfinés, on nous a oubliés. On est descendus dans la rue pour manifester, les gens ne sont pas venus avec nous : oubliés… On nous a placés sur un piédestal : on était des héros et ça a caché tout ce qui était autour : le manque de moyens, le manque de lits… Il n’y a eu qu’un grand merci de la part de la population et des pouvoirs publics. Des mots mais pas d’actes. Nous, on n’a jamais voulu passer pour des héros, on a juste voulu faire notre travail avec des moyens pour le faire.
Pas d’embauche
Une vaste blague ! On nous a donné des miettes pour apaiser, pour nous dire : on a fait des choses. On avait demandé 300 € de revalorisation salariale, on a péniblement obtenu 183 € et encore pas pour tout le monde ! On a demandé des postes et des lits : l’administration continue de fermer des lits ou des services d’urgences, comme celui de l’Hôtel-Dieu à Paris. Pas d’embauches. Pour compenser ils ont réduit notre temps de repos légal de 12 heures à 11 h 30.
Et maintenant ?
Il faut des moyens, des lits. Sinon on va se retrouver sans personnel qualifié à l’hôpital public. Les gens compétents vont partir… Ma vocation est déjà entamée. J’ai pensé à faire autre chose… Mais j’ai encore un minimum d’espoir. L’espoir de pouvoir faire mon métier correctement…