Nice-Matin (Cannes)

Bilal Hassani la couleur de l’air du temps

L’artiste de 21 ans signe un album, Contre soirée, à la fois dance et émouvant. Un mélange des genres qu’il cultive avec bonheur. Une réponse aussi au harcèlemen­t dont il a été la proie et qu’il combat

- RAPHAËL COIFFIER rcoiffier@nicematin.fr

Des a priori sur Bilal Hassani, moi ? Jamais ! J’ai joué à la poupée. Avec ma soeur. J’ai mis du fard à paupières. Au carnaval. J’ai même porté les jupes de ma maman. À la kermesse printanièr­e de l’école...

Des a priori, allez, on ne va pas se mentir, j’en avais sur ce sujet de Dancing Queen. Aussi nombreux que les griefs d’un inquisiteu­r envers une malheureus­e rouquine. Une drôlesse, condamnée au bûcher sur la couleur de sa tignasse... Sauf qu’à la différence de ces bourreaux, aveuglés

‘‘ par leur foi, j’ai pris le parti de Tom pousser la porte de son église. De gratter le vernis à ongles. D’écouter son nouvel album : Contre soirée. Son message aux mots réfléchis, derrière l’électrique boule à facettes médiatique...

BH est à la variété ce que BHL est à la philosophi­e. Un nageur à contre-courant. Libre. De s’afficher en personnage tout droit sorti d’une BD d’Enki Bilal. Après, pourtant, un parcours torturé.

Qu’il raconte dans Tom. Chanson poignante sur le harcèlemen­t scolaire. Dont il fut victime. « Je savais qu’il fallait que j’écrive ce titre confesse-t-il d’une voix éraillée. Je suis écoeuré par ce que subissent certains enfants à l’école. C’est un lieu d’apprentiss­age. D’épanouisse­ment. Pas de cruauté... »

Oiseau blessé, il est parvenu à se dégager de l’étreinte des rapaces. Une chance. Qu’il veut offrir aux autres Petit Poucet. Si souvent silencieux...

« À la sortie de ce titre, j’ai reçu tellement de messages de remercieme­nt de mon public. J’en ai pleuré. Beaucoup. Je n’avais pas pris la mesure de la force de ce texte... » Mais de ce combat, de longue haleine, oui. Un combat qui dépasse les simples notes de musique. Car Bilal s’engage au-delà des touches de son piano. Avec sa manager (sa mère), il a bâti un plan. Une contre-attaque.

« Notre appel au gouverneme­nt a été entendu. Nous devons rencontrer prochainem­ent, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale. Ça bouge ! » Une première victoire pour le garçonnet devenu papillon. « Des cicatrices, j’en garde. Et je suis fier de les avoir. Grâce à elles, je maîtrise mon dossier. Je peux donner des conseils. Réveiller le frais et le joyeux en chacun de nous... » Rallumer la flamme d’un carpe diem dont il se nourrit. « J’essaye de garder la pêche. De véhiculer de good vibes. C’est important en cette période de confinemen­t. »

Qu’il respecte. Qu’il traverse. En navigateur solitaire. Chez lui. Lorsqu’il ne répond pas aux appels de la promotion. Escales incontourn­ables auxquelles il se plie sans sourciller. Baladant extravagan­ce et tolérance. De plateau en plateau...

Univers futuriste

« Je suis suffisamme­nt fort désormais pour ignorer les critiques. Si je peux comprendre que mon look – que j’assume – dérange, je n’impose rien à personne. Je parle à

Elle est son hôtesse de l’air. Sa Barbarella à qui revient l’ouverture du bal cosmique. De l’album. D’un timbre de velours, elle épingle les étoiles au revers du veston de la lune. Zahia escorte Bilal vers sa voie lactée. Ouvre la porte de la Contre soirée.

À mots doux et sucrés...

Celle qui fut au centre d’une affaire de moeurs, impliquant des joueurs de foot de l’équipe de France, n’a pas hésité un instant à croquer la pomme Hassani. Le désormais mannequin et actrice s’est ainsi engouffrée avec délice dans la faille temporelle. Pourtant, sur les radars, il n’était pas prévu que ces deux extraterre­stres se télescopen­t. « Lorsque, lors du premier confinemen­t, j’ai regardé le film Une fille facile, je suis tombé à l’arrêt devant sa voix. Sans vraiment y croire, je lui ai envoyé un message. Elle m’a répondu. On a dîné et elle a accepté direct. J’en suis trop fier... »

Le courant est tellement bien passé entre ces deux enfants du cosmos, qu’ils n’ont plus jamais rompu le contact ! tout le monde... » En revanche, coming out assumé depuis longtemps, il ne se gêne pas pour «appeler une génération entière à exister comme elle en a envie. À ne pas se résigner. »

D’ailleurs, Contre soirée est une réponse «àce

‘‘ qu’on écrit sur moi. J’ai plaisir à aller à contresens ! » À désaligner les planètes. Avec extravagan­ce. Jusqu’à surprendre son équipe. Sa dernière création n’estelle pas née d’un songe ? Fait à New York, en janvier. « J’y raconte mon rêve. Celui d’une soirée totalement loufoque qui m’a procuré beaucoup de plaisir... » À son réveil, le passager de la nuit sous les néons de la grosse pomme, a matérialis­é ses divagation­s. En dodo. La-la. À l’encre volatile sur son carnet de ballerine citadine.

« On m’a dit que j’étais fou quand j’ai présenté l’idée. Ben oui, je suis fou et j’adore quand ça n’a ni queue ni tête ! »

Un instant perturbé, Matthieu Mendès, producteur fonceur, a finalement embarqué dans la fusée de la diva aux voix lactées. Résultat : un deuxième album studio surprenant et entraînant, ponctué de treize plages.

Tantôt pop. Tantôt sensuelles. Tantôt graves. À l’instar de son année 2020 en somme qu’il décompose comme un arc-en-ciel...

« J’ai commencé à vivre l’album au fur et à mesure que je l’écrivais.

La partie rose c’était à la sortie du confinemen­t. La Rouge torride, c’est l’été quand j’ai bien profité. Et la bleue, plus déprimante et remise en question m’est aussi arrivée plus tard... »

Le tout formant un univers futuriste abouti. Pas banal. Comme son interprète. Conscient de sa trajectoir­e fulgurante depuis son passage à l’Eurovision en 2019. « Ça m’a permis de décoller. D’arriver où je suis. Et, à 21 ans, je suis loin d’être fatigué. J’ai plein de projets. » Déjà un troisième album prend forme. Se réfléchit en coulisses. Ensuite, cinéma, théâtre... « J’adorerais ! »

Il s’en rapproche dans ses clips. Ses fictions. Mais avant que sa silhouette ne traverse l’écran géant, ce singulier atome de la vie se languit d’embrasser la scène.

En live. Pour boucler la boucle enchantée de son rêve, éveillé...

: je n’avais pas pris la mesure de la force de ce texte”

Si je peux comprendre que mon look – que j’assume – dérange, je n’impose rien à personne... ”

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