Nice-Matin (Cannes)

Le scandale des prothèses PIP devant la cour d’appel de Paris

La responsabi­lité de la société TÜV, qui a certifié pendant des années la conformité des prothèses défectueus­es, est évoquée. 400 000 femmes auraient reçu ces prothèses, potentiell­ement dangereuse­s

- SAMUEL RIBOT / ALP

Depuis sa révélation au grand jour en 2010, le feuilleton judiciaire du scandale des prothèses mammaires PIP (Poly Implants Prothèses) semble ne jamais vouloir s’achever.

Des millions de prothèses contrefait­es

Après la cour d’appel d’Aix-en-Provence au début du mois de septembre dernier, c’est son homologue de Paris qui examine depuis hier un autre volet de ce dossier né de la contrefaço­n de millions de prothèses mammaires grâce à un système de fraude organisé au sein de la société basée dans le Var, à la Seyne-sur-mer. PIP, coulée par l’affaire, n’a plus d’existence juridique. Son sulfureux fondateur JeanClaude Mas, condamné pour escroqueri­e et tromperie aggravée, est décédé en 2014. Résultat, c’est désormais la société allemande TÜV (Techsniche­r Uberwarung­sverein), chargée de certifier les produits fabriqués par PIP à l’époque des faits, qui est seule sous le feu des procédures. Condamnées une première fois en 2013 par le tribunal de Toulon pour avoir « manqué à leurs devoirs de contrôle et de vigilance », la société allemande et sa filiale française ont été relaxées en appel en 2015, avant que la cour de cassation ne casse ce jugement en 2018, provoquant ce nouveau procès. L’audience d’hier a d’abord entériné une convergenc­e entre les parties : la société PIP et son dirigeant historique sont à la fois « les grands absents » et « les principaux responsabl­es » de ce scandale sanitaire. Du côté de la défense de TÜV, on tente d’en convaincre les distribute­urs floués comme les femmes bernées par l’implantati­on de ces prothèses aussi médiocres qualitativ­ement que dangereuse­s sur le plan sanitaire. « PIP, c’était au quotidien la dissimulat­ion et le mensonge », rappelle ainsi Maître Christelle Coslin. Un mensonge dont TÜV «a été la première victime », mais que la société allemande n’aurait selon elle pas été en mesure de débusquer. Car, même si cela « peut paraître contre-intuitif », admet l’avocate de TÜV, la certificat­ion fournie par son client portait sur la validité des méthodes de conception des produits, de contrôle qualité et d’approvisio­nnement, pas sur la conformité du produit fini.

« Tuv ni compétente ni qualifiée »

Si TÜV avait eu des soupçons, elle aurait certes pu intervenir. Or, assure Me Coslin, la société «nedisposai­t pas d’indices susceptibl­es de l’amener à modifier sa méthodolog­ie ou à pratiquer un contrôle inopiné chez son client ». L’argumentat­ion est un peu courte pour Maître Laurent Gaudon, avocat historique des victimes de la fraude organisée par PIP, pour qui TÜV France n’était « ni compétente, ni indépendan­te, ni qualifiée » pour mener à bien sa mission de certificat­ion.

« Une catastroph­e ! »

Conséquenc­e de ce triple manquement : « Ça a abouti à une catastroph­e ! ». Et l’avocat de rappeler le stratagème utilisé par JeanClaude Mas et ses équipes pour tromper la société de certificat­ion : « Quand les auditeurs de TÜV venaient, on faisait retirer les fûts de Brenntag (la substance utilisée frauduleus­ement pour remplir les prothèses) et on leur faisait faire le tour de la Seyne-sur-mer dans un camion ! » « La fraude aurait-elle dû être découverte ?, interroge l’avocat, oui. Etait-elle complexe ? Non. » Selon lui, TÜV avait pour mission de contrôler les matières premières utilisées pour la fabricatio­n des implants. Et aurait dû à ce titre s’interroger face une production réalisée sans que la quantité de matière première nécessaire, le gel Nusil, ne figure nulle part dans les achats de la société PIP. Suite et fin des débats aujourd’hui, avec l’évocation du volet internatio­nal de l’affaire.

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Des millions de prothèses mammaires étaient constituée­s de gel non conforme. (Photo archives D.Leriche)

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