Michèle Tabarot : « Il faut un contrôle parlementaire sur nos ventes d’armes »
La députée azuréenne présente aujourd’hui à l’Assemblée nationale les conclusions d’une mission d’information sur les exportations d’armes. Elle y prône des garde-fous pour plus de transparence
Au terme d’une mission d’information de 18 mois, alimentée par plus de 180 auditions, en France et à l’étranger, la députée Michèle Tabarot (LR) et son collègue des Hauts-de-Seine Jacques Maire (LREM) présentent, ce matin à l’Assemblée, leur rapport sur les exportations françaises d’armes. Il comprend 35 préconisations, parmi lesquelles l’instauration d’un contrôle parlementaire, a posteriori, desdites exportations. Cette mission d’information a été lancée à la suite de la guerre civile qui s’est déclarée en 2014 au Yémen et qui a suscité une mobilisation des ONG contre les exportations d’armes françaises en faveur des États de la coalition menée par l’Arabie Saoudite. Michèle Tabarot, la députée des Alpes-Maritimes, résume la teneur du rapport.
Vous évoquez la nécessité de mieux identifier les destinataires finaux de nos exportations d’armes. Certaines atterrissentelles là où on ne le voudrait pas ?
Dans les informations données à l’Assemblée à l’heure actuelle, nous n’avons pas le détail des armes exportées. Juste des chiffres. Nous demandons donc à connaître les destinataires finaux. Non seulement les pays, mais au sein même de ceux-ci les entreprises ou les personnes. Il n’y a pas de véritable difficulté avec le gros matériel. Ce qui pose problème, ce sont les petits calibres, les petits chars, tout le matériel qui peut être utilisé par des terroristes dans un but différent de celui prévu à l’origine. C’est pour cela que nous préconisons un certain nombre de garde-fous, comme des clauses de non-réexportation, pour qu’on soit sûr de ce que fait le destinataire et que les armes ne soient pas utilisées contre la France ou ses alliés.
Certaines armes que nous vendons peuvent-elles se retourner contre nous lors d’attentats terroristes ?
Ça pourrait être le cas. D’où l’intérêt d’exercer un meilleur contrôle. Celui exercé aujourd’hui au niveau de la Direction générale des Armées est très technique. Mais pour nous, parlementaires et citoyens, demeure une grande opacité sur les accords donnés. Dans notre rapport, nous souhaitons poser plus de règles pour un meilleur contrôle, en introduisant un acteur supplémentaire, le Parlement. Aujourd’hui, il est tenu à l’écart des procédures. Le gouvernement octroie les licences et les ONG relaient les informations sur le terrain. Nous prônons un contrôle parlementaire, comme il en existe un dans la plupart des grandes démocraties, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne… Les ventes d’armes sont importantes pour notre autonomie stratégique et pour nos industries. Elles représentent emplois et milliards de chiffre d’affaires. Mais un contrôle a posteriori existe aux États-Unis et cela ne les empêche pas d’être les premiers vendeurs d’armes au monde. Le contrôle parlementaire que nous proposons ne remettrait pas en cause la confidentialité, mais il permettrait de savoir que la France emprunte le bon chemin, que les destinataires sont les bons. Et il balaierait un sentiment d’opacité, là où dans la grande majorité des cas, on peut avoir un débat apaisé.
Vous parlez beaucoup des biens à double usage. C’est-à-dire ?
Ce sont des équipements technologiques, des logiciels, des éléments traités comme les armes, avec une liste de pays auxquels il ne faut pas les transmettre. La France est très en pointe dans ces domaines et il faut là encore être prudent sur les personnes qui les achètent.
Vous appelez à réorienter nos exportations d’armes vers l’Europe… Est-ce possible ?
Oui. Nous avons exporté à % vers l’Europe en . Il faut essayer de développer cela. Nous sommes parfois critiqués parce que nous vendons à l’Arabie Saoudite. Comme on le fait déjà avec l’Allemagne, il faut accentuer les partenariats avec les autres pays européens et éviter que ceux-ci achètent leurs armes aux États-Unis.