Nice-Matin (Cannes)

NOS QUESTIONS, LES RÉPONSES DU PR DRICI

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On évoque une procédure accélérée pour le vaccin de Moderna. Qu'est-ce que cela signifie ? Quelle différence avec les procédures classiques ?

« L’Agence européenne des médicament­s (EMA) comme la FDA (La Food and Drug Administra­tion est l’administra­tion américaine des denrées alimentair­es et des médicament­s) mettent habituelle­ment un à deux ans pour « homologuer » un nouveau médicament. C’est-à-dire lui délivrer une autorisati­on de mise sur le marché. À charge ensuite à chacun des pays de le rembourser ou pas. Dans le cas de mesures dites accélérées, ce délai peut être raccourci tout en maintenant les garanties de qualité, d’efficacité et surtout de sécurité. Dans le cas du vaccin mRNA de Moderna, on va encore audelà avec ce qu’on appelle une « rolling review » qui a débuté lundi dernier. On commence à examiner le dossier (fabricatio­n, efficacité animale, toxicité, qualité, sécurité d’emploi, efficacité clinique de phases  et ) alors que la phase  est encore en cours ! C’est-à-dire que nous examinons les données « au fil de l’eau » et rapidement au lieu d’attendre que tout le dossier soit fini au moment du dépôt de demande d’autorisati­on comme c’est la règle d’habitude… »

Beaucoup s'inquiètent de la rapidité avec laquelle tous ces vaccins anti-Covid sont produits, alors qu'il faut habituelle­ment des années pour mener à bout ces essais. En allant aussi vite, n'accroît-on pas le risque de survenue d'effets indésirabl­es graves lors de la commercial­isation ?

« Certes, le développem­ent normal d’un médicament prend  à  ans, de sa conception à son autorisati­on de mise sur le marché ; dans le cas des vaccins anti-COVID, on se situe aux alentours de  mois, ce qui peut inciter le public à se poser effectivem­ent des questions. Mais cette réduction des délais de développem­ent ne se fait pas aux dépens de la qualité et de la sécurité. Elle a été rendue possible grâce à des stratégies industriel­les risquées et un investisse­ment financier sans équivalent. Ainsi les phases  des essais cliniques (recherche d’efficacité) ont toutes débuté alors que les phases  (sécurité chez les volontaire­s sains) n’étaient pas terminées. Les phases  (gigantesqu­es :   personnes chez Pfizer !) ont chevauché avec un certain risque, les phases . Toutes ces recherches auraient été anéanties si l’efficacité n’avait pas été démontrée en phase  alors que   personnes étaient incluses en phase . Et la production a déjà débuté alors que les phases  ne sont pas encore finies. En chevauchan­t ainsi les étapes, l’industriel s’est lancé un défi gigantesqu­e associé à un risque financier tout aussi important. Et l’Agence européenne du médicament, qui nous a missionné, se met aussi au pas en examinant les phases déjà réalisées avant même que la phase  soit terminée. Du jamais vu. La détresse humaine et économique est telle qu’on doit prendre des mesures hors normes. »

Combien de vaccins sont en cours de développem­ent et lesquels sont les plus avancés ?

« Il y a actuelleme­nt plus de  candidats vaccins parmi lesquels  sont en exploratio­n expériment­ale (chez l’animal) et  étudiés chez l’homme. Les phases  finales sont déjà engagées avec les vaccins qui sont en tête. Ce sont eux dont nous entendons parler actuelleme­nt. Dont celui de Pfizer aux USA et celui de Moderna en Europe. Tous deux sont des vaccins à mRNA. »

Quelles différence­s entre les vaccins « classiques » et ceux dits à ARNm, tels que ceux produits par Pfizer et Moderna ?

« Plutôt que d’injecter des virus tués ou inactivés, ou même des particules virales pour générer des anticorps protecteur­s, on va injecter, protégés dans des particules de lipides, du matériel génétique copié en partie de celui du virus, l’ARN messager, qui va utiliser nos cellules pour synthétise­r les spicules, petites pointes d’accrochage situées à la surface de l’enveloppe du virus. Notre corps va alors synthétise­r des anticorps qui neutralise­ront le vrai virus (SARS CoV-) si jamais notre organisme le rencontre. »

Concernant les vaccins de Pfizer et Moderna, sont affichés des taux d'efficacité de  et  %. Qu'est-ce qui peut expliquer des taux aussi élevés ?

« On voit de tels résultats avec d’autres vaccins ; à titre d’exemple, le vaccin contre la rougeole est efficace à plus de  % ! Si les résultats obtenus pour les vaccins de Pfizer et Moderna sont confortés en fin de phase , cela signifie tout simplement, que ces vaccins sont efficaces. »

Pourra-t-on bénéficier à la fois d’une vaccinatio­n anti-Covid et anti-grippe ?

Pour l’instant, aucune alerte n’est remontée concertant cette combinaiso­n. Et les sujets à risque devront se protéger contre ces deux infections. Lorsqu’un patient grippé s’infecte malheureus­ement par le virus SARS-Cov-, le risque de développer une forme très sévère de Covid- est augmenté et la mortalité doublée. Les patients à risque doivent absolument être vaccinés contre la grippe. Quant au vaccin anti-grippal, il n’augmente absolument pas la fréquence des infections respiratoi­res hautes, y compris celles à coronaviru­s.

Qui doit être prioritair­e pour recevoir le vaccin ? Faut-il le rendre obligatoir­e ?

« Le public prioritair­e est composé des personnels soignants en charge des patients, puis les patients les plus à risques (sujets âgés, diabétique­s, obèses), les profession­s les plus à risque (enseignant­s…) et enfin le reste de la population. » Concernant l’obligation vaccinale : « une informatio­n claire, honnête, correcteme­nt délivrée par les profession­nels de santé et surtout comprise devrait suffire pour inciter le public à se faire vacciner. ». »

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