Nice-Matin (Cannes)

Pr Drici, expert pour la sécurité des médicament­s : un premier vaccin possibleme­nt en janvier

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Directeur du Centre régional de pharmacovi­gilance de Nice-Alpes-Côte d’Azur, le professeur Milou-Daniel Drici fait aussi partie du groupe des six experts pour la sécurité des médicament­s auprès de l’Agence Européenne du Médicament à Amsterdam, nommés par la Commission Européenne il y a quelques mois.

A quel horizon les premiers vaccins antiCovid devraient-ils arriver sur le marché ?

Janvier pourrait être une date possible d’homologati­on en Europe pour le premier vaccin.

Quels pays seront servis en premier ?

Les pays qui seront servis en premier sont ceux qui « achètent sur plan ». C’est le cas de la plupart des pays, sachant qu’ils peuvent passer ce que l’on appelle des « agréments d’achat anticipés » auprès des laboratoir­es. La communauté européenne aurait ainsi passé des accords avec Sanofi, Moderna, Astra Zeneca et Janssen. Sinon, globalemen­t, les vaccins devraient être équitablem­ent répartis, sur la base des recommanda­tions de l’Organisati­on mondiale de la Santé.

Comment la France se prépare-t-elle ?

L’État aurait précommand­é  millions de doses en sanctuaris­ant plus d’un milliard d’euros au budget prochain de la sécurité sociale.

Quels sont les vaccins les plus proches de la commercial­isation en Europe ?

Pour ce qui concerne le marché européen, Moderna est aujourd’hui en tête, mais ce laboratoir­e est suivi de près par Janssen dont le vaccin ne devrait nécessiter qu’une seule injection (une injection de rappel est prévue pour les autres). Astra-Zeneca, Novavax et Sanofi suivent.

Sachant l’ampleur de la pandémie, les laboratoir­es pourront-ils fabriquer suffisamme­nt de vaccins pour répondre à la demande mondiale ?

Si la répartitio­n de la vaccinatio­n est faite comme prévu, je pense que oui. Les laboratoir­es les plus avancés sont d’ailleurs déjà en production industriel­le. Il reste à croiser les doigts pour que les résultats finaux confirment les résultats très prometteur­s de miparcours.

Qu'est ce qui a permis à Moderna et Pfizer de coiffer les autres laboratoir­es sur le poteau ?

La rapidité des équipes, les investisse­ments financiers, une part de chance, le rachat de biotechs superbemen­t agiles et la mise à leur dispositio­n de tous leurs moyens.

Combien devraient coûter ces vaccins, sachant les efforts financiers consentis par les laboratoir­es pour accélérer le développem­ent ?

Le prix d’un médicament de manière générale suit davantage la loi de l’offre et de la demande qu’il ne reflète le coût réel de production. Ainsi, sur les  à  % des sommes provenant d’une boite de médicament vendue en officine, seuls  à  % sont réinjectés en recherche et développem­ent alors que le profit net (qui sera rendu aux actionnair­es) peut couramment atteindre

 %. Même les coûts de marketing (publicité etc.) peuvent dépasser le coût de développem­ent.

Si la France veut payer moins cher les vaccins que ses voisins européens, risque-t-elle de se

retrouver en situation de pénurie, comme c'est déjà le cas régulièrem­ent pour d’autres médicament­s ?

Effectivem­ent, le fait que les laboratoir­es vendent des lots au plus offrant entraîne régulièrem­ent des situations de pénurie dans notre pays. On en a connu plus de  l’année passée !

Mais, je pense que, compte tenu du risque sociétal et de santé publique, la France acceptera de rembourser le vaccin à un prix proche du prix européen.

Il reste que parmi les principaux obstacles à la vaccinatio­n contre la Covid, figure la défiance. Beaucoup de Français disent qu’ils ne se feront pas vacciner dans l’hypothèse où un vaccin serait bientôt disponible.

C’est devenu un grand classique français récemment. Quand on n’a pas de traitement­s on les réclame, quand on les a on ne les veut plus… Vous faites référence à une étude Ipsos menée cet été dans  pays et qui montre un taux moyen de  % d’approbatio­n d’un tel vaccin. Avec, hélas, de grandes disparités. Si la Chine approuve le vaccin à près de  %, et le

Royaume-Uni à  %, en peloton de queue on trouve la Russie, la Pologne et la Hongrie avec à pleine plus de  % d’approbatio­n et aussi… la France avec  %. Comment comprendre cette défiance alors que les soins sont remboursés et qu’il en coûte plus de  dollars pour se faire vacciner contre le tétanos aux USA ? Les trois derniers pays du classement sont remarquabl­es par le populisme qui y règne. Il semble qu’en France aussi les personnes réfractair­es au vaccin, bien que de toutes conditions, adhérent politiquem­ent à des partis considérés comme populistes. Les fake news qu’ils égrènent sur les réseaux sociaux ne sont pas combattus, non plus, avec l’énergie nécessaire.

Cette défiance ne résultet-elle pas aussi du manque de clarté des instances sanitaires dirigeante­s ?

Cet argument de manque de « clarté » ou de « cohérence » du discours officiel me semble irrecevabl­e.

Il est demandé aux gens de rester chez eux et de ne pas se regrouper : qu’y a-t-il de si difficile à comprendre ? Tout cela est profondéme­nt désolant.

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