Nice-Matin (Cannes)

Tende : l’eau potable de retour l’aide alimentair­e fait débat

Un mois et demi après la tempête, l’eau est à nouveau consommabl­e. Mais l’urgence subsiste pour les villageois. Et la transition du tout-gratuit vers le retour du commerce s’avère délicate

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

En croquettes ? C’est pour le gros chien ? » À l’entrée du Spar de Tende reconverti en banque alimentair­e, la policière municipale tend deux grands sacs. De quoi rassasier Nala, le patou qui accompagne la famille de Marie-Jo Dalmasso. Ses maîtres, eux, restent un peu sur leur faim.

« On n’a toujours pas de frais. Pas de viande, pas de yaourt, pas de fromage. On a eu du jambon de dinde, on n’aime pas trop, mais bon... » Depuis la tempête Alex, les Tendasques le savent bien : pour l’instant, on prend ce qu’il y a. Pour le reste, on se débrouille. Voilà un mois et demi que Tende vit quasi coupée du monde. Un mois et demi qui pèse sur le moral et les organismes, en attendant le retour du train des Merveilles – la SNCF a ramené la date butoir au 18 janvier. Marie-Jo soupire : « C’est très dur. Se sentir enfermés, surtout. Venir tous les jours quémander, c’est atroce ! Et on n’a aucune informatio­n de la municipali­té. »

Son appartemen­t à Saint-Dalmasde-Tende a été inondé et privé de chauffage. Alors Marie-Jo vit ici, avec sa fille, son gendre et leurs deux enfants. Cinq bouches à nourrir. Ils redescende­nt à Saint-Dalmas « chez le boucher, quand il arrive à avoir un peu de viande. On descend faire des courses à Breil, en prenant la journée. Ou on prend le train pour Limone – mais avec le Covid, c’est de plus en plus dur... »

Améliorer l’ordinaire

« Très dur. » L’expression revient comme en écho, dans la commune prise au piège climatique. Tous les quinze jours, Muriel Pascucci, 50 ans, descend se ravitaille­r à Breil. « Quand on revient, on est chargé comme des mules... Tout est trop compliqué. Le moral tient le coup tant qu’on a de l’espoir. » Car il y a des embellies, à savourer à leur juste prix. Comme la réouvertur­e de certains commerces. La boulangeri­e, déjà. La boucherie, depuis mardi dernier. Le boucher de Saint-Dalmas monte aussi deux fois par semaine. De quoi améliorer l’ordinaire du village de 2 200 âmes aux airs parfois désert. Selon le maire, entre 400 et 500 habitants seraient partis depuis la tempête.

Mais la vraie bonne nouvelle, ces derniers jours, c’est le retour de l’eau potable. Le réseau tendasque a été raccordé à la source la semaine passée. Après les contrôles sanitaires de rigueur, l’eau propre à la consommati­on arrive dans les foyers depuis le week-end dernier. Tende sera donc restée six semaines sans eau potable. En 2020.

Un repreneur pour le Spar

Tandis que l’eau revient, l’aide alimentair­e semble partie pour durer. « Il y a toujours autant de besoins », observe Aurore Vassallo, 41 ans. La fille du maire s’active, avec d’autres employés de mairie et bénévoles, pour distribuer les sacs de provision. « On oriente les gens vers les commerces qui ont rouvert, dans la mesure du possible. » Certains l’acceptent « difficilem­ent. Mais il faut faire repartir l’économie locale. On ne peut pas rester comme ça ! »

La rumeur a couru que l’aide alimentair­e allait être stoppée net. Le maire Jean-Pierre Vassallo y coupe court : « Tant qu’on n’a pas une épicerie qui ouvre, on n’arrête pas l’aide alimentair­e. Mais ce n’est pas une bonne chose. On n’aide pas les commerçant­s à repartir. » L’objectif reste de rendre la supérette à sa vocation commercial­e. Un repreneur était en passe de la racheter... juste avant la tempête. Joint par Nice-Matin, il se dit toujours « prêt à le faire, plein de bonne volonté ». Parce qu’il « aime sa vallée », qu’il « veut qu’elle vive ». Mais il faut encore lever des obstacles, tant logistique­s qu’administra­tifs. A priori, la supérette rouvrirait au plus tôt le 1er janvier 2021.

« S’il fait mauvais... »

En attendant, nourrir les Tendasques reste un exercice « très dur. » Serge Salaun, 66 ans, confirme. Chez le Bougnat, sa petite boutique de produits de pays, n’a jamais fermé. Mais pour y servir fromages et sandwichs, il doit ruser. Compter sur ses contacts italiens qui lui amènent du fromage par le train. Ou sur « ses copains qui montent avec des glacières ».

« Très dur », acquiesce Maria Lorilleux, 66 ans aussi. À Saint-Dalmas, sa famille se démène pour ramener du frais dans la haute Roya. Elle se ravitaille au prix d’expédition­s sur une piste vulnérable. « S’il se met à faire mauvais, on va être complèteme­nt bloqué... » Maria et sa famille « essaient de tout faire pour la population. » Mais son constat rejoint celui d’Alain, le Bougnat : « Il faut que le commerce redémarre. »

 ??  ?? Marie-Jo Dalmasso et son petit-fils récupèrent de quoi nourrir leur famille et leur chien. Des dons salvateurs, en attendant la reprise incertaine d’une activité commercial­e. (Photos Jean-François Ottonello)
Marie-Jo Dalmasso et son petit-fils récupèrent de quoi nourrir leur famille et leur chien. Des dons salvateurs, en attendant la reprise incertaine d’une activité commercial­e. (Photos Jean-François Ottonello)
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Un repreneur se dit toujours prêt à racheter la supérette. Pour l’heure, celle-ci héberge l’aide alimentair­e issue de l’afflux de dons.
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