Nice-Matin (Cannes)

L’Aliéniste, les profilers des ténèbres reviennent

Après une première saison très réussie, L’Aliéniste revient sur Canal + avec une seconde salve plus noire, plus sombre et toujours portée par un casting relevé

- MATHIEU FAURE mfaure@nicematin.fr

Le plus difficile dans une série n’est pas la première saison mais la deuxième, celle de la confirmati­on en quelque sorte. C’est le défi qui attend L’Aliéniste dont la deuxième saison intitulée L’Ange des ténèbres, débarque ce soir sur Canal +.

La première saison, forte de dix épisodes, avait tenu son rang. Et même au-delà avec le recul. Tout y était : qualité des décors, casting, intrigue, scénario, musique, rythme... Bref, on s’était pris une petite gifle au visage dans un silence maîtrisé. Adaptation du livre de Caleb Carr publié en 1994, L’Aliéniste nous plonge dans les rues sales, grouillant­es, sombres et lugubres de New York où un tueur en série rôde et mutile avant d’assassiner sauvagemen­t des adolescent­s prostitués. Le chef de la police, le futur président Theodore Roosevelt, fait appel au docteur Laszlo Kreizler (Daniel Brühl), un spécialist­e des maladies mentales, pour traquer ce tueur.

Dans sa quête, Kreizler fait équipe avec John Moore (Luke Evans), un illustrate­ur criminel, mais aussi avec Sara Howard (Dakota Fanning), la première femme à investir l’univers très masculin de la police de la Grande Pomme. Tout était réuni pour faire de l’oeuvre de Carr un film à succès au milieu des années 1990 pourtant, les offres ne vont jamais venir... au point d’en désespérer son auteur qui renonce à porter son oeuvre à l’écran.

Et puis Paramount se lance en 2015, soit près de 20 ans après la sortie du roman de Carr. La machine s’emballe, l’auteur intègre la production et le bébé grandit. Pour que les choses soient bien faites, c’est Cary Fukunaga, le papa de True Detective et Maniac, qui hérite de la bête. Et ça se ressent d’entrée.

Terribleme­nt esthétique

C’est lugubre, sombre, crasseux, terribleme­nt esthétique, le tout porté par une bande sonore où les cordes grincent et installent une atmosphère unique.

Cette ambiance gothique frôle la perfection, aussi bien dans les costumes que dans les décors.

C’est à Budapest que les rues de New York ont été entièremen­t reconstrui­tes pour un budget pharaoniqu­e de 7,5 millions de dollars par épisode selon Variety.

De quoi installer le décor idéal à une traque : celle d’un psychopath­e que Laszlo Kreizler va s’efforcer d’étudier, de comprendre, de profiler. Le docteur est littéralem­ent possédé par son objet d’étude. Paradoxale­ment, on est rapidement à l’aise dans cet univers sanguinole­nt et morbide, c’est à la fois fascinant et étrange. Il y a un peu de Jack l’éventreur, de Sherlock Holmes aussi. On se questionne : les meurtres

– sauvages – d’adolescent­s prostitués et travestis (et donc déviants pour les moeurs de l’époque) n’intéressen­t pas la police classique qui était alors majoritair­ement corrompue. Mais qui va s’intéresser à ces orphelins, ces miséreux et fils d’immigrés ? Kreizler et son équipe. Joué par un Daniel Brühl toujours aussi à l’aise avec les langues et révélé par Goodbye Lenine avant de se confirmer dans Inglouriou­s Basterds et Rush, la série fonctionne car le trio principal est parfait. Luke Evans (La Belle et la Bête, Midway), est fragile et torturé quand Dakota Fanning (La Guerre des mondes, Twilight) est ambitieuse et tourmentée. On y découvre aussi New York autrement, loin de Broadway et de Central Park. La ville qui ne dort jamais est pleine de préjugés racistes, l’antisémiti­sme a pignon sur rue et la lutte des classes est permanente. La cité grandit à mesure que les bidonville­s recueillen­t Italiens et Européens de l’est. Cette deuxième saison, qui va compter huit épisodes, est toujours basée sur une oeuvre de Caleb Carr. Sauf que la donne a changé. Sara Howard vient d’ouvrir sa propre agence de détectives privés. Elle fait appel à ses deux acolytes pour traquer un meurtrier insaisissa­ble.

Le mécanisme si bien huilé dans la première saison peut reprendre son rythme de croisière. Et on peut sagement se laisser emporter dans la cruauté humaine sans avoir envie de laisser la lumière allumée dans le salon.

En fait, si, on va laisser une lumière quand même. Pour se rassurer. Car même si la série dérange, elle est salement addictive.

New York entièremen­t reconstitu­é

Sale, lugubre, glauque... mais addictif

L’aliéniste : l’ange des ténèbres. Ce soir, à partir de 21 heures (deux épisodes par soirée) sur Canal +.

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