Nice-Matin (Cannes)

Implants PIP : la responsabi­lité du certificat­eur au coeur du procès

- SAMUEL RIBOT (Agence locale de presse)

Au deuxième et dernier jour d’audience devant la cour d’appel de Paris, la pression s’est accentuée sur la société TUV, poursuivie pour avoir certifié pendant plus d’une décennie les prothèses mammaires défectueus­es commercial­isées par la société PIP (Poly Implants Services). Après que la société allemande eut présenté ses arguments mardi, les plaidoirie­s des avocats des victimes se sont, en effet, enchaînées hier, produisant un effet d’accumulati­on redoutable. Et cela d’autant qu’à une défense purement technique, TUV se retranchan­t derrière les limites de ses prérogativ­es pour expliquer sa cécité, les avocats des femmes ayant reçu les prothèses défectueus­es et des sociétés les ayant commercial­isées ont choisi d’opposer des considérat­ions de santé publique.

Leur seul tort ? « Avoir fait confiance »

« Entre 350 000 et 400 000 femmes dans 65 pays sont aujourd’hui porteuses d’implants frelatés. Le monde entier est infesté par des implants estampillé­s TUV ! », a ainsi rappelé Me Olivier Aumaître, avocat de l’associatio­n Pipa, qui regroupe les victimes des pratiques de PIP. «Leseultort­de ces femmes est d’avoir fait confiance à des produits labellisés CE », a-t-il souligné, pointant directemen­t la responsabi­lité de la société certificat­rice allemande. Aux arguments avancés la veille par les avocats de TUV, qui estimaient que leur client n’avait pas à effectuer de vérificati­ons sur les produits finis, Me Aumaître a rétorqué avec force. Au contraire, a-t-il assuré, « c’est justement parce que la loi proscrit tout dispositif médical qui ne serait pas conforme aux normes de sécurité et de santé que des sociétés comme TUV existent ! » Un argument martelé à sa suite par Me Jacqueline Laffont, intervenan­t entre autres au nom de plusieurs centaines de Colombienn­es victimes de la fraude pratiquée par PIP : « Cette responsabi­lité était en quelque sorte déléguée aux sociétés certificat­rices par les Etats et l’Union européenne. Et TUV était justement payée pour garantir la sécurité de ces dispositif­s médicaux ! » Or, l’avocate dresse un constat implacable : « Les implants PIP, ce sont des défauts deux à six fois plus importants que la moyenne, une durée de vie de trois à six ans là où elle devrait être de dix ans, des risques irritants avérés et une explantati­on vivement conseillée par les autorités sanitaires à toutes les femmes porteuses de ces prothèses. »

Absence de contrôle élémentair­e

Au-delà de la dénonciati­on de ces impacts humains et sanitaires, les avocats des victimes ont réaffirmé que c’était la passivité de la société certificat­rice qui avait permis la mise en place d’une fraude présentée par ailleurs comme assez grossière. Rappelant que PIP avait successive­ment été, au cours des années 2000, dans le collimateu­r des autorités sanitaires américaine­s, anglaises et australien­nes, Me Olivier Aumaître a estimé qu’« il appartenai­t à TUV d’aller voir ce qui se passait chez PIP. Leur responsabi­lité ne se limitait pas à un dossier papier ! » Argument repris par Me Laffont : « S’il y avait une vérificati­on à faire, c’était celle concernant l’utilisatio­n du Nusil [le composant nécessaire à la fabricatio­n d’implants conformes aux normes européenne­s, ndlr]. Ce contrôle élémentair­e, basique, qui aurait immédiatem­ent permis de détecter la fraude, n’a pas été fait ! » Conclusion de l’avocate : « Si TUV avait joué son rôle, des dizaines de milliers de femmes ne subiraient pas ce qu’elles sont en train de subir. » La cour d’appel rendra son arrêt le 20 mai.

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