Nice-Matin (Cannes)

Fabien Roussel : « Défendre les premiers de corvée »

Le Parti communiste, qui fête ses cent ans, devrait présenter un candidat à la présidenti­elle en 2022, après deux impasses en 2012 et 2017. C’est ce que laisse entrevoir son secrétaire national

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Le Parti communiste français fêtera ses cent ans en décembre. À cette occasion, vient de sortir un ouvrage collectif qui retrace et analyse ce siècle d’existence (1), préfacé par Fabien Roussel, député du Nord et secrétaire national du PCF depuis fin 2018. Il martèle la vitalité de son parti.

Que reste-t-il, aujourd’hui, de l’idéal communiste de  ?

Un engagement toujours aussi fort, aussi combatif et aussi dur. Le capitalism­e est toujours là, avec son cortège de pauvreté, de chômeurs et d’inégalités. Face à cela, les communiste­s, et d’autres, proposent un autre modèle de société, qui privilégie l’être humain et la planète.

Comment analysez-vous la perte d’influence du PCF à partir des années quatre-vingt ?

Si l’on faisait  % à l’élection présidenti­elle comme en  [Georges Marchais, , % au premier tour, ndlr], je signerais dès demain ! La perte d’influence qui a suivi s’est traduite par des pertes pour le monde du travail. Elle a résulté des déceptions engendrées par la gauche, et nous avons participé à ces gouverneme­nts de gauche qui ont pris le tournant de la rigueur à partir de -. Le PS a tourné le dos à ses engagement­s et nous avons payé, avec lui, le prix de ces reniements. Nous avons, par ailleurs, fait le choix de ne pas être présents aux deux dernières présidenti­elles et cela a pu contribuer à ce que les Français pensent que nous n’étions plus présents dans le paysage politique. Nous avons pourtant de nombreux élus, des groupes à l’Assemblée et au Sénat. Être absents des échéances présidenti­elles a donné le sentiment que nous n’avions plus rien à dire. Or, nous avons des choses à dire.

Par son côté pagnolesqu­e, en étant parfois caricatura­l, Georges Marchais a-t-il fait plus de mal que de bien au PCF ?

Les Français conservent beaucoup de tendresse pour Georges Marchais. Ils l’appréciaie­nt parce qu’il était sincère et leur ressemblai­t. C’était un homme du peuple, un ouvrier et il parlait comme eux. Je ne crois donc pas que son image ait affaibli le parti. En , c’est grâce au PCF que la gauche a gagné au second tour.

Le PCF a-t-il payé une trop grande indulgence vis-à-vis du système soviétique ?

C’est vieux, ça. Ce n’est plus le sujet ! Georges Marchais est d’ailleurs le secrétaire national qui a mis de la distance avec Moscou. Et depuis, nous avons toujours défendu un communisme à la française, adapté aux réalités de notre pays. Dans ses combats internatio­naux, le PCF est le parti qui a combattu l’apartheid. Moi, j’ai adhéré pour libérer Nelson Mandela, quand personne ne s’en souciait encore vraiment. Le PCF s’est aussi battu contre la colonisati­on, pour la liberté et l’indépendan­ce des peuples. Peu de partis ont cette histoire dans notre pays et nous en sommes fiers.

Comment expliquez-vous le déclin parallèle, ces dernières années, du PS et du PCF, alors que le premier s’est recentré et que le second est resté proche des classes populaires ?

Il faut relativise­r notre baisse. Nous avons certes enregistré un score faible aux européenne­s [, %, ndlr], mais il n’est pas significat­if de notre influence. Celle-ci ne se mesure pas qu’à ces résultats-là. Nous avons  maires et près de   adhérents qui cotisent. Combien d’autres partis ont encore cette implantati­on ?

Comment comprendre alors que le PCF ait été cannibalis­é par Jean-Luc Mélenchon ?

Sans doute parce que nous avons fait le choix de nous effacer derrière sa candidatur­e aux deux dernières présidenti­elles.

Et qu’allez-vous faire en  ?

Nous engageons le débat au sein du parti sur la possibilit­é de présenter un candidat à la présidenti­elle pour porter justement les espoirs du monde de travail, des premiers de corvée. Nous voulons avoir un candidat pour les défendre, pour lutter contre les délocalisa­tions et restaurer les services publics.

Nous avons un processus démocratiq­ue de décision et celle-ci sera prise au printemps.

L’évolution du monde a-t-elle fait évoluer votre logiciel ?

Nous avons décidé de faire nôtre un slogan : l’humain et la planète d’abord. Nous voulons porter de pair l’urgence sociale et l’urgence climatique, mettre l’humain et la planète au coeur de notre projet de société. Ce sont les deux jambes sur lesquelles nous voulons marcher. L’une n’ira pas sans l’autre.

Vous avez manifesté contre la propositio­n de loi sur la sécurité globale. Vous la jugez liberticid­e ?

Nous allons voir comment se déroule le débat, notamment les amendement­s à l’article qui vise à empêcher de diffuser des images de policiers. Si, comme le dit Gérald Darmanin, il ne sera pas interdit de les filmer, alors il n’y aura pas de problème. Nous sommes, nous aussi, soucieux de protéger les policiers quand ils font l’objet d’appels au meurtre ou à la vengeance. Mais la presse, comme n’importe quel citoyen, doit pouvoir filmer.

PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON

1. 100 ans de Parti communiste français (Cherche-Midi).

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Fabien Roussel, secrétaire national du PCF depuis le  novembre . (Photo Olivier Corsan)

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