Nice-Matin (Cannes)

Nora Hamzawi « Je passe trop de temps sur les réseaux sociaux »

La jeune comédienne révélée par ses chroniques sur France Inter et dans Quotidien (sur TMC), revient sur scène avec un deuxième spectacle, et sortira prochainem­ent un livre, 35 ans (dont 15 avant Internet).

- PROPOS RECUEILLIS PAR LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

Drôle d’époque, drôle de situation. Alors que les salles de spectacles françaises sont vides, Nora Hamzawi vient se produire à Monaco, à l’occasion de la fête nationale. Une heure et demie au bord des larmes (de rire), et avec des crampes (aux joues) : c’est l’effet de cette trentenair­e surexcitée, excédée par à peu près tout ce qui s’approche d’elle ou ce qui lui arrive. Le couple, le sexe, la grossesse, la flemme : une liste longue comme le bras de raison d’être au bout du rouleau. Un peu comme dans ses chroniques dans la matinale de France Inter.

Une heure avant le spectacle, elle n’est pas tout à fait prête mais reste d’un calme olympien. Elle nous reçoit pour répondre à nos questions. Rencontre avec une comédienne bien dans ses baskets, paumée dans son époque, à l’aise avec ses névroses.

Qu’est-ce que ça vous fait de jouer à Monaco ?

Ça me fait bizarre. J’ai l’impression d’être dans un jeu vidéo où j’ai eu accès à un monde parallèle grâce à un bonus de points ou une potion magique. Ça fait un mois que j’ai arrêté de jouer et pense que je m’étais mentalemen­t préparée à ne pas jouer avant… Je ne sais pas quand. C’est une joie, bien sûr, mais bizarremen­t j’ai un peu plus d’appréhensi­on que quand j’ai repris la dernière fois.

Vous parlez beaucoup de névroses dans vos spectacles, et dans vos chroniques sur France Inter. Il paraît même que vous détestez les gens qui vont tout le temps bien.

Oh vous savez, moi je ne déteste personne. Je pense juste que les failles sont un meilleur moteur pour la comédie. Ça fonctionne mieux que si je vous raconte à quel point je suis épanouie. Et puis j’aime bien l’idée que ce spectacle rassure. C’était totalement inconscien­t et je ne l’ai pas écrit dans ce but, mais en dédramatis­ant les petits tracas du quotidien et en dévoilant ses névroses, ça déculpabil­ise les gens. Ça leur montre qu’on est tous pareil. Ça a un côté thérapeuti­que. Après ma dernière chronique sur France Inter [où elle explique qu’elle se sent perdue face à la situation sanitaire et à la gestion de la crise, ndlr], j’ai reçu énormément de messages de gens qui me remerciaie­nt d’avoir mis des mots sur ce qu’ils ressentent. C’est hyper agréable que les gens disent ‘‘merci’’ alors que ce serait plutôt à moi de les remercier d’être là.

Dans votre travail, vous citez souvent votre compagnon et vos amis, qui en prennent plein les dents…

(Elle rit) J’estime que la première victime de mes sketches c’est moi. Mon moteur d’écriture, ce sont les situations qui me mettent en difficulté. Comme je joue un personnage qui est complexé, qui s’écoute beaucoup, qui se regarde beaucoup, qui manque de spontanéit­é, ou qui en a au mauvais endroit, c’est quelqu’un qui se sent inconforta­ble tout le temps. Il y a une vraie volonté d’autodérisi­on. D’ailleurs, la chronique sur la charge mentale, où mon mec en prend plein la gueule, ce que je dis de moi est atroce.

Vos amis n’ont donc rien à craindre ?

Mes personnage­s n’existent pas

mais de toute façon ce n’est pas ça qui m’intéresse. Ce que j’aime c’est inventer, créer des personnage­s pleins de petits détails. Et puis je n’aime pas l’idée que ce soit mon journal intime. C’est plutôt un recul sur les choses, en faisant semblant que c’est le temps présent. Je pense que quand on en rit, c’est que c’est réglé. D’ailleurs la chronique sur la charge mentale, c’est mon amoureux qui m’a suggéré de l’écrire celle-là. Et il l’adore. C’est très militant, sur le fond, mais ça ne donne pas de leçons. C’était vraiment une volonté.

Pour quelle raison ?

Je trouve que l’on est à une époque où il y a beaucoup de morales. On doit tous donner la preuve qu’on est intelligen­t, qu’on a compris le monde… moi je fais ça pour faire rire !

Dans votre dernier livre,  ans (dont  avant Internet), vous parlez de ce qui vous ‘‘reste de la vie avant Instagram’’. Vous passez beaucoup de temps sur les réseaux sociaux ?

Trop ! Franchemen­t, parfois je réalise que depuis trois heures je ne regarde rien. Ça me lobotomise. Comme à une époque où on zappait devant la

Qu’est-ce que cela a changé dans nos vies ?

On n’a plus le même regard vers soi et vers les autres. On se regarde beaucoup. On est passé d’une phase où il y avait les diktats de la mode, à une obligation de s’adorer. Il y a aussi une sorte d’uniformisa­tion de la société. Pendant le confinemen­t, on a tous regardé les mêmes séries et fait les mêmes cookies. On sait que ‘‘ça fait bien’’ d’avoir telle ou telle attitude. Et puis le rapport au temps a changé.

J’aime l’idée que ce spectacle rassure”

L’immédiatet­é vous effraie ? J’aime beaucoup le fait de patienter. Qu’on ne sache pas tout, tout de suite. Le rapport à l’informatio­n aussi a changé : on est hyper déprimé par tout ce qu’on voit et tout ce qu’on lit. Il ne s’agit pas de se mettre dans une bulle et d’ignorer ce qui se passe dans le monde. Mais je pense que notre cerveau n’est pas fait pour être stimulé autant. On n’était pas plus con il y a 20 ans. On savait les choses aussi, mais elles prenaient le temps d’arriver. Il ne faut pas aller chercher l’informatio­n tout le temps. C’est trop déprimant. Il faut recréer sa propre réalité, et ça inclut ce qu’on a autour de soi, les gens qu’on fréquente, ce qu’on fait artistique­ment et profession­nellement. Construire, bâtir des choses solides. Des vraies choses.

On n’était pas plus cons il y a vingt ans”

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vraiment. Mes amis me disent parfois : ‘‘Je te raconte ça, mais t’en fais pas un sketch’’, télé sans rien regarder. Mais il y a des aspects que j’aime bien : c’est pratique pour communique­r, faire savoir des choses.
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