Nice-Matin (Cannes)

Jean-Marie Périer passion Instagram

Grâce au réseau social, le célèbre photograph­e a redécouver­t le plaisir de se raconter. Avec humour, nostalgie et même un peu d’impertinen­ce, il nous offre un journal de souvenirs et évidemment de belles images.

- ALAIN MAESTRACCI amaestracc­i@nicematin.fr

Photograph­e ? Ce n’était pas vraiment prévu. « J’ai fermé mon piano en 1956 et depuis j’ai fait n’importe quoi, tout ce qui se présentait », assure Jean-Marie Périer.

Donc il a fait de la photo dans les années 1960 puis, après sa rencontre avec Dutronc, il a fait deux films avec lui et a abandonné la photo. D’autres films suivront dont un sur le groupe Téléphone. Il part dix ans aux États-Unis et revient en France comme... photograph­e, pour travailler avec sa soeur qui dirigeait Elle, le célèbre magazine féminin. Donc pour lui qui se considère comme «une boule de billard électrique », la photo ce n’est que vingt ans de sa vie. Mais quand même. Combien de vedettes dans son objectif ? « Trois cents ou quatre cents, pas plus. » Aujourd’hui retiré dans l’Aveyron, « un endroit que les Parisiens ne connaissen­t pas », s’amuse-t-il, il tient sur Instagram une espèce de journal de bord. Rencontre téléphoniq­ue avec un homme charmant et avec lequel nous avons beaucoup ri.

Instagram, c’est votre nouvelle passion ?

Oui. Parce que j’aime bien les nouvelles technologi­es. Internet je trouvais ça génial : on m’écrivait d’Inde ou du Mexique. Mais avec cette ignoble façon de planquer son nom derrière un pseudo, Internet est devenu une horreur. On a affaire à de la bêtise, de la connerie et seul Instagram reste un peu bienveilla­nt. Donc depuis trois ans je mets des photos avec juste le nom et la date. Et, l’année dernière, je me suis dit que je ne pourrais pas tourner encore beaucoup en France donc comment faire pour continuer ? J’ai commencé à écrire des vrais textes et ça marche, car j’ai un nombre fou de gens qui me suivent.

C’est une sorte de journal de bord ?

Voilà. Je dis tout ce qui me passe par la tête. Au début, c’était pour parler des années 1960, raconter des histoires et maintenant c’est devenu un truc très drôle car je mets une photo et le texte n’a aucun rapport...

Comme le texte sous la photo de la journalist­e Nathalie SaintCricq ?

Oui voilà et puis je ne la connais pas. Il y a tellement de gens qui se mettent en avant pour rien, c’est effrayant.

Vous vous lâchez en fait, et écrivez ce qui vous passe par la tête ?

C’est une sorte de psychothér­apie personnell­e. Mais je ne dis jamais de mal des gens. Je ne parle donc pas de ceux que je n’aime pas. Il y a des gens qui disent des conneries agressives sur tout le monde, ça ne m’intéresse pas.

Aujourd’hui vous avez un âge d’homme d’expérience...

(il rit) Eh oui moi aussi je suis très surpris d’avoir 80 ans. La fameuse sagesse je ne la vois pas venir, quant a l’expérience je n’y crois pas : toute ma vie, j’ai fait les mêmes conneries. J’ai l’impression d’être passé d’un coup de 25 à 80 ans.

Donc diriez-vous que c’était mieux avant ?

Non. C’était mieux avant pour moi parce que je préférais avoir 25 ans que 80. Et puis l’époque était plus simple pour moi pas pour les femmes, par exemple, qui n’avait pas de carnet de chèque, pas de contracept­ion. Mais le vrai problème, c’est que quand je suis né, on était un milliard et demi sur terre et, aujourd’hui, on est sept milliards et demi. Il y a trop de monde, c’est pour cela que je suis venu dans l’Aveyron : c’est très difficile d’accès et y’a pas de TGV parce que dès que le TGV arrive, les crétins aussi. Et pas de parking souterrain : dès qu’il y en a un, je fuis !

Mais pour le travail c’était mieux avant ?

Je n’ai fait photograph­e que vingt ans, mais j’ai fait plein d’autres choses de ma vie. Quand on a démarré, moi et les autres, on inventait un truc nouveau. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus difficile pour les mômes parce que c’est devenu sérieux et que c’est du business. D’ailleurs, on pensait tous que l’on serait mort avant d’avoir 30 ans et c’est pour ça qu’on y allait à fond. Aujourd’hui, les mômes, ils sont coincés. Mais je ne suis pas d’accord quand on dit que des jeunes qui débutent à notre époque ne vont pas durer, car on disait la même chose de Johnny et Sylvie, par exemple.

Comment avez-vous choisi les photos pour ce livre ?

Ce livre n’est pas un livre de photos, c’est le contraire.

C’est-à-dire ?

Au-dessus de ma tronche j’ai l’étiquette : photograph­e des années 1960. Ce n’est pas du tout ça. Depuis un an, surtout sur Instagram, ce sont des textes, et les photos ne sont que la légende des textes, c’est le contraire d’un livre de photos. À la limite, la photo je m’en fous, ce qui m’intéresse, c’est de raconter des trucs.

Parmi tous ces photos-textes donc, quelles vedettes aimezvous plus que les autres ?

Bien sûr, il y en a comme Johnny, Sylvie, Françoise (Hardy), Dutronc qui sont comme ma famille. Quand je photograph­iais quelqu’un, mon propos était de le mettre en valeur contrairem­ent à certains photograph­es qui veulent que l’on sache que ce sont eux qui ont fait la photo.

Il y a tellement de gens qui se mettent en avant pour rien, c’est effrayant”

Donc vous n’auriez pas pu être un photograph­e pour la presse people ?

Ah ben non ! D’autant que toutes mes photos étaient mises en scène, elles étaient destinées à des adolescent­s qui décoraient leurs murs avec.

Ce livre n’est pas un livre de photos, c’est le contraire”

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 ??  ?? Déjà hier, une année sur Instagram. Éditions Calmann Lévy. 288 pages. 19
Déjà hier, une année sur Instagram. Éditions Calmann Lévy. 288 pages. 19
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