Nice-Matin (Cannes)

Marina Kaye « Tout est exacerbé par la musique »

Désormais âgée de 22 ans, la chanteuse marseillai­se revient avec Twisted, un troisième album plus en phase avec ses aspiration­s, mais toujours porté par une power pop tournée vers l’internatio­nal.

- PROPOS RECUEILLIS PAR JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Lorsqu’on décroche un disque d’or et que cela est presque considéré comme un échec, cela veut dire qu’on joue dans la cour des grands. Marina Kaye colle à la descriptio­n. Avec Explicit, sorti en 2017, elle avait atteint les 50 000 ventes. Rien de déshonoran­t, donc. Même si les compteurs ont tourné bien moins vite que pour son premier projet, Fearless, triple disque de platine (300 000 exemplaire­s écoulés). Un succès majeur acquis à 16 ans, alors qu’elle était encore «un bébé », comme elle nous le dira. Dents de lait ou pas, certains n’ont pas hésité à avoir la dent dure envers la Marseillai­se. Jugée trop froide, trop secrète à une époque où l’on peut scruter les moindres faits et gestes des célébrités sur Instagram ou Snapchat.

Marina Kaye a encaissé. Une habitude. Après son éclosion dans l’émission La France a un incroyable talent, elle avait subi le harcèlemen­t scolaire. De quoi tanner le cuir de la brune au regard sombre, heureuse de dévoiler Twisted, un album où elle ouvre son coeur, avec une puissance vocale et un sens de la démesure qui l’emmènent sur les traces d’artistes d’envergure comme Sia ou Lana Del Rey, selon les amateurs de comparaiso­ns.

Twisted en anglais, cela veut dire « tordue ». Pourquoi avoir nommé l’album ainsi ?

J’avais commencé des sessions d’écriture, mais je n’arrivais pas à trouver la bonne équipe. Et puis j’ai rencontré deux personnes avec qui j’ai fait le morceau Twisted .Ily avait une vraie énergie dans la pièce, on était sur la même longueur d’onde. On se sentait différents, incompris et ce genre de choses. Le mot twisted m’est venu, on a commencé à broder autour, et j’ai su que je voulais appeler l’album comme ça.

Quelle était votre envie première en vous lançant dans cette aventure ?

Je n’avais clairement pas envie de tourner en rond, de refaire les mêmes albums, d’aborder les mêmes thèmes et de changer de manière de chanter. Je voulais essayer des choses, aller sur d’autres terrains. Je me laisse énormément porter par ce que je ressens sur le moment. Quand je commence à écrire, je ne dégage pas de grands thèmes.

Dans quel état d’esprit étiezvous quand vous avez démarré la création ?

J’ai eu énormément de sensations fortes à ce moment-là. Dans ma vie, beaucoup d’événements se sont passés, ils m’ont inspirée. Cet album, c’est un énorme livre ouvert sur ma façon de penser, ma façon d’être. Je m’appuie sur tous les sentiments par lesquels j’ai pu passer. Évidemment, tout est exacerbé par la musique. D’une petite chose, je peux faire une montagne pour écrire une chanson.

Musicaleme­nt, vous avez souhaité des contrastes, entre des titres très pop et un registre plus ‘‘apaisé’’ ?

Là encore, c’était assez spontané. Quand je démarre un projet, j’ai juste quelques repères. Je veux un piano-voix et une chanson très pop. Et pour le nom de l’album, je ne veux qu’un mot.

Vous avez écrit presque tous les titres de Twisted avec David Stewart et Jessica Agombar, des pointures ayant collaboré avec les Jonas Brothers, Selena Gomez ou encore le groupe coréen BTS. Vous semblez avoir apprécié les rencontrer... Exactement. Je n’avais aucun a priori, parce que je sais que ça peut très bien se passer avec des personnes peu expériment­ées et ne rien donner avec des gens réputés. En studio, c’est la connexion humaine qui le fait, ou pas. Eux et moi, on a écrit de mai à octobre 2019 ensemble. On a juste fait un camp d’écriture pour faire naître quelques chansons, parce qu’on était tellement à l’aise tous les trois qu’on a voulu faire rentrer quelqu’un d’autre pour se mettre un peu en danger. Ça a marché à chaque fois, c’était incroyable. J’ai vraiment l’impression d’avoir été au bon endroit, avec les bonnes personnes, au bon moment.

Pour l’album précédent, la conception avait été plus heurtée ?

C’était plus compliqué. Toute mon équipe du label [Capitol, ndlr] avait changé, c’était devenu un label de rap, en fait. Je n’avais plus ma place, tout simplement. On ne m’a jamais vraiment forcé la main. Mais quand tout le monde est branché rap autour de toi, forcément, on te dirige vers des gens dont c’est la spécialité. Ça ne me correspond­ait pas.

Vous aviez tenté de chanter en français aussi...

Je n’ai pas de regrets. C’était un énorme apprentiss­age, j’ai écrit mes premières chansons en français, j’ai découvert un autre univers. Mais pour ce troisième album, je voulais que ce soit moi, et personne d’autre, qui décide.

Cette liberté, quand on vend beaucoup, n’est pas toujours évidente à conquérir...

Très peu d’artistes peuvent se permettre ça, je mesure ma chance. Après, j’ai toujours eu le sentiment d’avoir les mains libres. Mon producteur m’a toujours beaucoup protégée, en prenant les devants. Là, j’ai pu faire l’album de mon côté, avec mon équipe de départ, avant d’aller démarcher un label [Pias, ndlr].

En faisant de la pop en anglais, vous occupez une place à part dans la musique française, sans véritable rivale...

On est très peu à travailler dans cette langue, c’est vrai. Après, je ne vois jamais de rivalité quelque part. Les charts créent cette espèce de concurrenc­e, avec des rangs, etc. Mais à un moment donné, on fait de la musique. Le but ? Que ce soit magique, que des gens puissent se sentir bien grâce à elle. Quand on est en studio et qu’on crée une chanson, je ne me dis pas que je veux être numéro un avec.

Avez-vous le sentiment d’avoir franchi un palier avec Twisted ?

C’est plus aux gens de le dire, mais de mon côté, je pense que oui. Que ce soit qualitativ­ement pour la musique, ou sur mes clips. Là, le clip de mon single 7 Billions

va arriver. Je crois que c’est le plus beau depuis mes débuts.

Quand on parle de vous, on évoque parfois plus votre ‘‘personnage’’ que votre musique. Est-ce parfois usant ? On ne peut pas nier que ça fait partie du truc. Avoir une voix, ça ne suffit plus. Les gens sont beaucoup dans l’image. Cela n’a jamais été inné de mon côté.

Moi, je voulais juste chanter, pour être honnête. J’apprends au fur et à mesure. Être sur tous les fronts, tout gérer et essayer d’être parfaite sur tous les aspects. C’est dur. Mais on le fait parce qu’on sait qu’il y a des moments incroyable­s à gagner dans tout ça. Des moments en studio, avec les fans, sur scène...

Un énorme livre ouvert sur ma façon de penser, d’être”

Je voulais que ce soit moi, et personne d’autre, qui décide”

Le live vous manque beaucoup ? Oui, je devais jouer à Paris, à L’Alhambra, en décembre. Mais ce sera reporté en février-mars. Récemment, j’ai chanté pour Dazzle, une plateforme de live immersif. J’ai adoré faire ça. Il y avait une petite frustratio­n à la fin, quand je me suis rappelé qu’il n’y avait personne dans la salle. Mais sinon, c’était trop cool. J’étais à fond dedans, beaucoup plus que je ne l’aurais imaginé. Je trouve ça cool : une porte est fermée, on passe par la fenêtre !

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 ??  ?? Marina Kaye. Twisted. (Pias). 11 titres.
Marina Kaye. Twisted. (Pias). 11 titres.
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