Bataille navale entre Brest et Toulon
Un rapport parlementaire ravive la concurrence entre les deux grands ports militaires
Au printemps dernier, l’équipage du porteavions Charles-deGaulle n’a pas été le seul à être touché par l’épidémie. La Covid-19 a aussi grippé l’entretien des navires de guerre. Le MCO (maintien en condition opérationnelle), comme on dit dans le jargon de la Défense.
C’est ce qu’écrit Didier Le Gac, député La République en Marche du Finistère et rapporteur du budget de la Marine nationale. Dans un rapport daté du 21 octobre dernier, le parlementaire breton affirme : « Première conséquence de la crise, des retards dans la réalisation des travaux ont été observés, avec une dissymétrie entre Brest et Toulon ». Et de préciser cette « dissymétrie »en ces termes : « Alors qu’à Brest les industriels et les moyens étatiques se sont rapidement organisés pour continuer à assurer le MCO tout en renforçant les mesures sanitaires et organisationnelles sur les chantiers, à Toulon, certains industriels ont dû arrêter leurs opérations de réalisation de MCO ».
La vérité des chiffres
Toujours au sujet de la base navale varoise, le député de la majorité précise : « Naval Group a ainsi arrêté ses chantiers et a ensuite éprouvé des difficultés à reprendre le travail ». Notamment sur les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) dont le planning d’entretien, après avoir accumulé « un retard général », est « désormais en cours de recalage ». Ces déclarations ont été reprises par le journal Ouest France qui, dans un article du 11 novembre, n’a pas hésité à titrer : « La base navale [de Brest] meilleure que celle de Toulon pour l’entretien des bâtiments de la Marine ».
Dans l’entourage de Didier Le Gac, que nous avons vainement cherché à joindre, on affirme qu’il ne faut « pas y voir de jugement de valeur. Le rapport est objectif. C’est la vérité des chiffres ».
Sur les bords de « la plus belle rade d’Europe », la surprise est de mise. Aussi bien du côté de Naval Group que de la Marine nationale. Se gardant bien d’entretenir la « compétition » entre les ports du Levant et du Ponant, l’industriel reconnaît que ses « capacités d’intervention ont bien évidemment été réduites durant la période du premier confinement. Les équipes de Brest et de Toulon ont dû adapter l’organisation des activités industrielles et techniques en prenant en compte, avant tout, la santé et la sécurité des collaborateurs ». Mais il affirme dans la foulée que, « dès mi-avril, notre activité sur les sites de services de Toulon et Brest avait repris à 100 %. Nous avons rattrapé les quelques retards accumulés pendant le confinement et nous déployons toutes nos forces pour être au rendez-vous sur tous les arrêts techniques ». Les annonces gouvernementales du 28 octobre n’ont rien changé : « Nous nous sommes à nouveau mis en ordre de marche face à la crise. La continuité de nos activités se fait en application d’un protocole sanitaire très strict, que nous avions déjà adapté, lors de la première vague, pour que nos collaborateurs puissent continuer à intervenir dans les sous-marins, où l’espace est très confiné », insiste le service communication de Naval Group Toulon.
Les bateaux à l’heure pour les missions
Le « client » Marine nationale ne dément pas. Si elle ne nie pas que « ponctuellement, des chantiers ont pu être arrêtés », elle assure que « grâce aux plans de continuité de l’activité, les chantiers se sont poursuivis. Les bateaux sont partis en mission normalement. Aucun arrêt technique n’est en retard à l’heure actuelle ». Et si des travaux ont été repoussés pour des raisons opérationnelles, « aucune impasse sur la sécurité n’a été faite ». De l’avis de quelques anciens de l’arsenal toulonnais, « cette position d’un élu breton n’est pas sans rappeler celle qui opposait déjà dans les années 2000 les deux ports militaires au sujet de l’entretien des SNA de type Rubis ». Une façon de se positionner pour l’entretien du futur porte-avions ?