Nice-Matin (Cannes)

« Le génocide des Arméniens a commencé comme ça en 1915 »

Alors que les habitants du Haut-Karabakh prennent la route de l’Arménie, Tigran Yeritsyan, dont l’une des filles habitait la capitale Stepanaker­t, nous raconte cet exode

- P.-L. PAGÈS plpages@varmatin.com

Dans le salon de Tigran Yeritsyan, un tableau rappelle la mère patrie : l’Arménie. « C’est le mont Ararat tel que je le vois depuis (1) mon village de Nor Kharberd, une commune de 15 000 habitants située entre Erevan et la frontière turque », commente cet arménien de 54 ans installé dans le Var, à Cogolin, depuis 2005.

« Un pays corrompu jusqu’à la moelle »

Musicien profession­nel, il travaille six mois de l’année comme animateur – placier – agent technique dans un camping des environs. « J’ai quitté mon pays, alors corrompu jusqu’à la moelle, pour des raisons économique­s. Et comme je connaissai­s quelqu’un ici, je suis venu à Cogolin », explique-t-il.

Rejoint en 2013 par sa femme et son fils, dernier de ses quatre enfants, Tigran a laissé derrière lui ses trois filles. Notamment Ani, la plus jeune. Mariée à Meslop en 2014, elle a suivi son curé d’époux (église catholique­apostoliqu­e) à… Stepanaker­t, la capitale du Haut-Karabakh. Autant dire que Tigran a connu « des nuits difficiles depuis le 27 septembre dernier, et le début des hostilités avec l’Azerbaïdja­n ». Par chance, au début de ce nouveau conflit, Ani et son fils Tigran Gran étaient à Erevan pour quelques jours de vacances. « Mais mon beau-fils, bien que curé, est parti à la guerre en première ligne. Avant d’être rappelé à Choucha par le père Palkev afin de préparer l’évacuation des femmes et des enfants et de sauver ce qui pouvait l’être des églises ».

La maison de sa fille bombardée

Quant à la maison qu’habitait sa fille à Stepanaker­t, elle a été entièremen­t détruite par les bombardeme­nts. « Mon gendre Meslop a quand même pu récupérer le cheval à bascule de son fils », raconte Tigran Yeritsyan, dans un sourire fugace. Car s’il n’a heureuseme­nt à pleurer aucun membre de sa famille, Tigran est en deuil. « Dans mon village de Nor Kharberd, cinq jeunes de 18 ans sont morts au combat. Et trois autres manquent encore à l’appel. C’est terrible. Il y a beaucoup de morts. Tous les jours, sur les réseaux sociaux, je vois les témoignage­s de personnes qui cherchent à avoir des nouvelles des leurs », confie-t-il, visiblemen­t très affecté.

L’inaction de la communauté internatio­nale

Triste aussi que la communauté internatio­nale, « pourtant alertée par la diaspora arménienne », n’ait pas bougé le petit doigt. « En 1915, le génocide des Arméniens a commencé comme ça », lâche-t-il. Avant d’évoquer « les actes de vandalisme dans les églises et les cimetières » dont se seraient déjà rendus coupables les Azéris.

 ?? (Photo Luc Boutria) ?? Tigran Yeritsyan, dans son salon à Cogolin. À l’arrière-plan, un tableau représente le mont Ararat.
(Photo Luc Boutria) Tigran Yeritsyan, dans son salon à Cogolin. À l’arrière-plan, un tableau représente le mont Ararat.

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