Nice-Matin (Cannes)

Virginia, coiffeuse : « C’était vivre dans mon salon ou la rue...»

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Elle ne sait pas si elle peut l’avouer… Fébrilemen­t, elle se peigne les cheveux avec sa main. La toute petite cinquantai­ne, Virginia, coiffeuse par passion, pousse la porte de son salon barbershop, le Wax&cut ,rue Bonaparte à Nice. Au fond du local, ses deux chats ronronnent dans une petite pièce qui, depuis dix ans, lui servait de réserve et de coin repos. Virginia Bégnis marque un temps d’arrêt, comme étourdie : « Mes copains sont géniaux, non ? ! Une douche, pas de cuisine, mais ils m’ont aménagé un petit coin cocoon ,non?! C’est là que je vis. Mais le syndic ne le sait pas, sinon il va me faire la misère. »

« Comme au XIXE siècle »

La dégringola­de, cette célibatair­e par choix, bikeuse folle de Harley Davidson, fondue de jazz-band la raconte. Sans larmes ; elle n’en a plus. Fin juillet, à force de faire et de refaire ses comptes, Virginia a dû faire ce choix. Plus de trésorerie. Le loyer de son appart. Une fois les charges du quotidien acquittées, elle ne peut même plus se payer.

« J’ai déménagé en quelques jours. Et voilà, comme au XIXE siècle, je vis au fond de mon échoppe. »

Une vie en mille morceaux. Des nuits et des nuits de mauvais sommeil, « malgré les gentils cachets ». La crise sanitaire, elle ne la nie pas. Comment le pourrait-elle.

Asthme et maladie génétique font d’elle une personne à risque. Pas complotist­e donc. Juste victime collatéral­e que les discours officiels ne font qu’embrouille­r, désarçonne­r un peu plus. Le yoyo du « on rouvre », puis « on referme », elle le craint sans fin. Et les stocks de gel hydroalcoo­lique et autres armes au service des « gestes barrières » qu’elle a dû acheter lui restent bien plus que sur les bras : « Ils auraient tout fermé, sans nous laisser de faux espoirs que j’irais sans doute mieux. Oh, pas financière­ment non ! Mais au moins dans ma tête. Là, on m’a transformé­e (Frantz Bouton) en un pauvre hamster qui tourne sans but dans sa roue. »

La rue en point de mire

Virginia ouvre son livre de comptes. Les aides de l’état ? Oui, elle les a touchées : « Deux fois 1 500 euros de l’état et 300 euros de la Ville. En neuf mois ! » Tout juste de quoi combler la perte d’exploitati­on d’un mois d’activité quand la Covid n’était encore que science-fiction. Sans un prêt de 5 000 euros que son père lui a octroyé, Virginia, le sait : « Je serais àlarue!envrai!»

Zéro revenu ? Non, pas tout à fait, rectifie-t-elle. Une coupe par-ci, un barbe par-là. Deux ou trois rendezvous les bonnes semaines, souvent en douce avec des « vieux clients » qui ne la lâchent pas. « Chaque fois, je gagne 20 petits euros et ça me permet de surnager encore quelques jours. Mais si le yoyo continue, je mourrai seule derrière mon rideau de fer, et seul mon comptable le saura... »

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