Nice-Matin (Cannes)

: « C’est de ma faute tout cela »

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Il a dit au revoir au chat, sans doute, un peu trop longtemps. Son amoureuse, Jessika, a trouvé ça étrange. Antoine était trop pressé de partir, sans expliquer où, ni pourquoi, lui qui, depuis le début de la crise, erre le plus souvent comme une âme en peine. Sa société, Fresh French Riviera a pris la crise sanitaire comme le Titanic un iceberg.

À 26 ans, Antoine Nastas, jeune pâtissier passionné, croyait tenir son Graal. Le garçon, il est vrai, a un CV de luxe. Il a travaillé dans les resorts les plus huppés de la planète. Novembre 2019, il se jette à l’eau. Il loue un local quartier Pasteur à Nice. Derrière le rideau de fer, il aménage son unité de production de gâteaux et de glaces, du haut de gamme qu’il espère pouvoir vendre aux palaces de la Côte et d’ailleurs.

Antoine a déjà un petit nom dans le métier. Il a des mains en or. Il fonce. Un rendez-vous à la banque. Son pré-carnet de commandes en main - « On tablait sur 26 000 euros de chiffre par mois » -, son enthousias­me fait le reste : son banquier lui débloque un prêt de 100 000 euros. L’aventure est moins confortabl­e qu’au temps où salarié, tout auréolé de ses multiples nomination­s comme « meilleur artisan de France », un salaire coquet tombait sur son compte chaque mois. Mais Antoine a l’esprit d’entreprise.

Trop de si... Plus d’espoir

La suite, c’est janvier et févier 2 020 où Antoine plane... Puis un samedi soir de mars, le confinemen­t qui tombe comme un couperet. C’est le début de la descente aux enfers... Jusqu’à ce chat que, vendredi dernier, Antoine croit caresser une dernière fois. Ces lettres d’adieu qu’il laisse sur son ordinateur pour sa chérie, ses parents.

La suite, c’est heureuseme­nt l’intuition miraculeus­e de Jessika qui le retient in extremis en lui demandant de venir vérifier un « truc » dans la chambre... où elle l’enferme : « Oui, j’étais parti pour en finir. Vraiment ! Je n’arrive plus à réfléchir, je suis comme dans un labyrinthe sans issue. C’est devenu infernal. »

En finir avec cette crise qui l’a meurtri, avec ce virus qui a tué son rêve, avec ce crédit de 1 350 euros qu’il doit rembourser chaque mois alors que son « usine » est en rideau. En finir avec la malchance : «On n’a plus que 4 500 euros de trésorerie. On n’a plus que des « si » pour ne pas devenir fous. Si tout repart en décembre, si les hôtels rouvrent… Si le Carnaval est maintenu. »

À force de buter sur des écueils, de jouer de malchance comme avec cette aide de l’état de 10 000 euros à laquelle, parce que sa boîte est trop récente, il ne sera pas éligible, Antoine a fini par douter de tout. De sa passion.

De lui-même surtout : «Je suis l’échec. C’est de ma faute tout cela. »

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(Photo Frantz Bouton) Antoine et Thierry : « On n’a plus que des “si” pour ne pas devenir fous. »

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