« Ce qui fonctionne, c’est le capitalisme totalitaire »
Jean-paul Guichard a été professeur d’économie à l’université de Nice. Il est aujourd’hui professeur émérite et essayiste et réside à Nice.
Nous lui avons demandé ce qu’il pensait de la possibilité de plafonner le patrimoine des plus riches par contrainte législative, suivant ce que propose l’écrivain franco-russe Anton Malafeev. Il n’y croit pas.
La démocratie est un luxe
Qui est disposé à se faire harakiri ? Personne. Et puis, le temps de la mise en place, nous assisterons à une fuite des capitaux. C’est déjà ce qu’il se passe. Quand on est très riches, on a des accointances partout, surtout dans des paradis fiscaux. Regardez
«où sont domiciliés les yachts que l’on croise à Cannes ou Monaco, Îles vierges britanniques ? Jersey ? »
Jean-paul Guichard est l’auteur de plusieurs ouvrages, sur l’hégémonie de la Chine, la puissance des multinationales, etc, et il est bien d’accord, le monde ne tourne pas rond. Dans la solution proposée par Anton Malafeev, il voit un parallèle qui peut être fait avec un autre pan de l’histoire : la critique de la Papauté au temps de Martin Luther dont le discours était « Arrêtez de vous faire plumer par les Clercs qui enrichissent Rome ». « Mais à cette époque, explique-t-il, on avait peur de finir en enfer. On se disait que Dieu était sensible à ceux qui étaient généreux envers l’église et on donnait, pour avoir sa place au Paradis. Aujourd’hui, il n’y a plus cette foi. Alors, demander aux richissimes de redistribuer leurs gains en cas de dépassement d’un plafond, sera difficile à mettre en place. » Pour lui, au niveau idéologique, c’est une attaque à la propriété.
Bisounours et protectionnisme
La solution est ailleurs pour Jean-paul Guichard. « La Chine recense toutes les industries manufacturières, et la démocratie recule dans les pays démocratiques. Et il faut le souligner, le capitalisme totalitaire chinois est économiquement efficace. Nous, nous sommes dans une société de Bisounours où les gens croient que la démocratie implique l’efficacité économique. Mais c’est un luxe qui a un coût économique .»
Alors que faire ? « Du protectionnisme, répond tout de go l’économiste. D’abord, réindustrialiser les pays démocratiques (Europe, Japon, États-unis, France...), développer la robotique (cela supposera des investissements considérables et les coûts de production seront importants). Et taxer nos importations. Pour que la différence de prix entre ce qui est fabriqué ici et ce qui vient de là-bas, soit anecdotique pour le consommateur qui privilégiera l’achat national .» Il faudra aussi baisser notre train de vie glisse-t-il. C’est pas gagné, mais viens, on essaie !