« Survivre ? C’est la question que nous nous posons tous »
Une profession aux abois. Aucune date de réouverture possible pour les cafetiers « purs ». Ceux qui vendent aussi quelques plats (la plupart) n’ont pas d’espoir avant le 20 janvier. Un coup dur
La profession court à la catastrophe. C’est l’avis d’hubert Boivin, l’ex-président de l’union patronale des cafetiers-restaurateurs de Nice et des alentours. Six cents établissements environ. Son successeur, Noël Ajoury, évoque un risque de fermeture définitive pour plus de la moitié d’entre eux. Difficile à croire, mais ce qui est sûr, c’est que la crise est terrible. « Je pense aux employés, aux familles, je pense aussi, évidemment, aux gérants endettés qui ont du mal à faire face à leurs échéances. » Il explique qu’aujourd’hui, trois pleins autocars partiront des Alpes-maritimes pour rallier Marseille, où une manifestation de tout le grand Sud est prévue.
Michel Palagonia, trois enseignes dans le Vieux-nice dont L’akathor, sur le cours Saleya, peut en témoigner. « Survivre ? C’est la question que nous sommes tous en train de nous poser. Contrairement à ce que les gens pensent trop souvent, on n’est pas des riches. » Il rappelle que les gérants de société ne perçoivent aucune allocation en cas de chômage. L’aide de 10 000 euros qui était prévue jusqu’à présent ne serait pas d’un énorme secours ; « L’akathor, c’est un loyer de 8 000 euros par mois… » Même si le pub a quelques chances de rouvrir ses portes le 20 janvier, ce ne sera pas forcément le bout du tunnel : « Quand on passe un moment chez nous, c’est pour se réunir. Entre la distanciation et la fin de l’heure tardive de fermeture, les clients n’auront pas le coeur à venir. Même si on peut redémarrer, cela ne nous apportera pas grand-chose. Si nous réussissons à franchir le cap, il faudra au moins un an, sinon deux, pour réparer ce qui a été perdu. » Eduardo Goncalves tient depuis huit ans L’oxford, près de la place Rossetti. Vingt-sept ans d’existence.
« Dégringolade »
« C’est l’un des plus vieux, donc l’un de ceux qui sont censés être les plus solides, capables de tenir le coup. Si nous ne nous relevons pas, je ne vois pas qui le pourra. »
Il se désole d’abord pour les jeunes, « une génération sacrifiée ». Souligne que « les étudiants vivent une situation extrêmement difficile dont on ne mesure pas encore les conséquences ». Solitude, détresse économique, de plus en plus de jeunes gens dans les distributions d’aide alimentaire. En temps normal, on va au pub pour se rencontrer, discuter, débattre, se mélanger. « Se croisent ici des fils de bourges, pour parler grossièrement, et des étudiants boursiers. On se parle sans se soucier de savoir de quel milieu l’autre est issu. Et c’est magnifique. » Fini le brassage. La crise et la fermeture les laissent tous sur le carreau. Du côté de l’entrepreneur, la chute est vertigineuse : «Mes comptes montrent une dégringolade de semaine en semaine. Alors que, dans mon cas, je ne peux même pas dire que j’ai des charges monstrueuses. » Il ne se rémunère presque plus. Quand il le fait, c’est de façon ridicule. « J’ai honte de le dire, mais heureusement que ma compagne est infirmière et qu’elle bosse comme une dingue. Sans elle, je ne sais pas comment je tiendrais. »