Le blues de Sonia, vingt-trois ans de métier
« Quand je voyais une victime dévastée sortir avec le sourire après avoir pris sa plainte, ça suffisait à mon bonheur. » Sonia, vingt-trois ans de police à Paris puis à Nice, avoue ne plus croire en son métier. Désabusée, déçue, amère. «Lapolice c’était vraiment ma vocation. » Au fil des années, les contraintes procédurales et un management incompréhensible expliquent, selon elle, son état d’esprit actuel : « Un collègue qui ne fait rien n’est jamais embêté tellement sa hiérarchie a peur qu’il se mette en maladie. En fait, plus tu travailles, plus tu as de chances d’avoir des problèmes. Et puis il y a quelques brebis galeuses, des collègues qu’on laisse dans des cités alors que tout le monde sait qu’ils se comportent mal. Du coup, j’ai choisi de faire un pas de côté et de ne plus faire de la police de terrain. »
Baisse de niveau
Sonia avoue que si elle en avait le courage, elle démissionnerait. « Mais j’ai un crédit à rembourser », ajoute-t-elle dans un sourire crispé. Dans cette sale ambiance, entretenue selon elle par certains médias, elle pense que les caméras-piétons pour chaque policier sont « une excellente mesure ». «À condition que les batteries tiennent plus de vingt minutes », ironise-telle « Je pense que comme la mixité, cela contribuera à faire baisser la violence, qu’elle provienne des policiers ou des citoyens. » Autre critique formulée : le niveau des jeunes recrutés, « parfois avec une moyenne de 6 sur 20 ». Sonia critique, au passage, « la formation insuffisante ». Un officier confirme « une baisse de niveau » .Et un changement d’état d’esprit : « Après les assassinats à leur domicile en 2016 de nos collègues à Magnanville, les policiers ont massivement demandé à pouvoir rentrer chez eux avec leur arme de service et ils se sont inscrits aux entraînements de tir. » Aujourd’hui, les concours de la police attirent trop de personnes qui s’y inscrivent par défaut, sans réelle motivation.
Paul, adjoint de sécurité depuis un an, hésite à passer le concours de gardien de la paix : « Le manque de moyens est vraiment criant », confie-t-il. « Les missions sont de plus en plus difficiles et la démotivation massive », confirme Nicolas Vincent, du syndicat Alliance. «Les collègues vivent mal les commentaires sur des vidéos souvent tronquées systématiquement à charge contre des policiers sursollicités, insultés, agressés. »
Société de plus en plus violente
« Les liens se sont vraiment distendus quand on a mis fin à la police de proximité », estime une gardienne de la paix expérimentée qui a constaté une agressivité croissante dans la société. « Les policiers la subissent mais aussi les sapeurs-pompiers, les magistrats, les profs, les médecins... Ce qui était inimaginable il y a quelques années. »
Isabelle confirme, lors d’un récent contrôle dans un commerce : « Un client est entré et a été très irrespectueux. Je me suis retenue de ne pas l’interpeller. Je me suis dit qu’on allait aller au clash. J’ai laissé tomber. Aujourd’hui, à chaque intervention tu peux risquer ta vie et t’attirer des ennuis. Ce n’est sans doute pas un hasard s’il n’y a jamais eu autant de démissions pendant les premiers mois de formation des nouvelles recrues. »