Nice-Matin (Cannes)

14-Juillet : la justice lui retire son statut de victime

Reconnu victime et indemnisé, un Niçois a pourtant vu sa constituti­on de partie civile retoquée au motif qu’il n’était pas sur la trajectoir­e du camion. Ses avocats montent au créneau

- MATHILDE TRANOY mtranoy@nicematin.fr

Le 14 juillet 2016, sur la promenade des Anglais, il avait poursuivi le camion conduit par le terroriste, avant de plaquer au sol un passant afin de lui éviter une balle perdue. Les policiers ont fait feu sur le conducteur du 19-tonnes, lors de cet attentat qui a tué 86 personnes et blessé plus de 450 autres.

Le 25 juillet, dans le bureau du maire, il avait reçu une médaille de la Ville de Nice en compagnie de deux autres hommes qui s’étaient distingués par des actes héroïques ce soir-là. Une pétition a également été mise en ligne pour demander que ces trois hommes reçoivent la Légion d’honneur.

Il y a quelques mois pourtant, après avoir été reconnu victime d’attentat et avoir perçu une première indemnisat­ion, sur expertise, Gwenaël Leriche, 30 ans, se voit refuser le statut de partie civile.

« Pas directemen­t exposé au risque d’attentat »

Fin février, il a reçu un courrier de la chambre de l’instructio­n. Ce document lui annonçait que, « sans nier la réalité du traumatism­e consécutif à sa présence à proximité de la Promenade des Anglais le soir du 14 juillet 2016 », sa constituti­on de partie civile était irrecevabl­e.

« Il n’apparaît pas que l’intéressé ait été directemen­t et immédiatem­ent exposé au camion et donc au risque d’attentat, dès lors qu’il ne se trouvait pas sur la trajectoir­e du camion, mais au contraire derrière le véhicule, en train de le poursuivre », détaille la juge d’instructio­n, conforméme­nt à l’avis du parquet rendu deux ans plus tôt. Le jeune homme a aussitôt fait appel de cette ordonnance. Recours qui sera examiné aujourd’hui par la chambre de l’instructio­n, à Paris.

Le jeune Niçois ne serait pas la seule victime « recalée » de l’attentat de Nice.

« À toutes ces personnes-là, on ne leur reconnaît pas la qualité de victimes, s’indigne l’avocate niçoise de Gwenaël Leriche, Me Cathy Guittard.

Elle évoque des séquelles « encore vivaces aujourd’hui » de cet événement tragique dans la vie de son client. Ce déni du statut de victime pourrait bien dégrader davantage l’état de détresse psychologi­que dans laquelle se trouve le jeune homme. Depuis le drame, il mène une existence chaotique rythmée d’hospitalis­ations et de démêlés judiciaire­s.

Un remboursem­ent de l’indemnisat­ion ?

Si l’irrecevabi­lité de sa constituti­on de partie civile est confirmée ces prochains jours, il pourrait bien devoir « rembourser le fonds de garantie. Il s’élève à plusieurs dizaines de milliers d’euros, dont une partie a déjà été versée il y a dix-huit mois, sur expertise », soulève encore Me Guittard.

« C’est scandaleux ! On nous annonce cela à la clôture de la constituti­on de partie civile, alors que l’ordonnance de mise en accusation vient d’être rendue » (lire Nice-matin du 10 novembre), s’anime Me Samia Maktouf, avocate parisienne de Gwenaël Leriche, qui soutiendra aujourd’hui le recours du jeune Niçois.

« On a dû considérer qu’il y avait trop de victimes et on essaie d’en rayer de la liste », déplore-t-elle, outrée.

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(Photo C. D.) Hommage aux victimes en .

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