Nice-Matin (Cannes)

À Tanneron, la colère face aux vols de feuillage d’eucalyptus

Des bandes organisées font un massacre dans les plantation­s pour approvisio­nner le marché noir. Les producteur­s sont excédés devant un phénomène qui dure depuis des années

- VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

Célèbre pour son mimosa, Tanneron est aussi la terre d’épanouisse­ment de diverses variétés d’eucalyptus, utilisées dans les bouquets. Alors qu’on est en pleine récolte, ce feuillage aiguise les appétits de bandes organisées, qui viennent d’italie faire des razzias dans les plantation­s du Var et de Pégomas ou de Mandelieu dans les Alpesmarit­imes.

Les producteur­s, déjà fragilisés par la fermeture des fleuristes, sont excédés. En effet, les voleurs agissent à n’importe quelle heure du jour, ou même de la nuit, munis de lampes frontales. Et pour commettre leur forfait rapidement, ils saccagent les cultures, aggravant le préjudice (lire ci-dessous).

De plus en plus tôt dans la saison

« Ils viennent à deux ou trois, ils se font déposer en voiture. Ils partent dans les plantation­s, coupent n’importe comment et font des tas de branchages. Le véhicule vient les récupérer, ils chargent rapidement et ils s’en vont », explique un producteur. Parfois, ils coupent et repartent, revenant récupérer le lendemain.

« Ce phénomène dure depuis une dizaine d’années et se manifeste de plus en plus tôt dans la saison », relève Roland Lèze, président du syndicat des exploitant­s agricoles de Tanneron.

Dans le village, tout le monde se connaît, aussi la solidarité fait son effet. Agriculteu­rs, chasseurs, mimosistes, habitants… Ils veillent, repèrent les véhicules inconnus, préviennen­t s’ils voient des allersreto­urs suspects, alors que la police municipale multiplie les rondes.

« Tous les résidents sont sur leurs gardes, un peu comme le principe des voisins vigilants. Un dispositif a été mis en place qui permet d’alerter tout le monde et d’interpelle­r les voleurs », confirme le lieutenant Bruno Nourrissie­r, commandant la brigade de gendarmeri­e de Fayence (lire ci-dessous). Mais elle ne suffit pas. « Aujourd’hui, nous sommes épuisés de cette situation et nous craignons un drame humain, ajoute Roland Lèze . Nos exploitati­ons sont extrêmemen­t affaiblies par la crise sanitaire et on se retrouve en concurrenc­e avec notre propre marchandis­e volée qui revient dans le circuit commercial. »

La profession demande des enquêtes

Si les vols perdurent d’année en année, il en donne deux raisons : « La première, c’est l’absence d’une réponse pénale suffisamme­nt dissuasive. Nous bloquons régulièrem­ent des voleurs récidivist­es. La deuxième, c’est l’absence d’une réelle enquête qui remonterai­t toute la filière jusqu’en Italie où se trouvent les commandita­ires, qui exploitent la misère humaine, source de main-d’oeuvre quasi inépuisabl­e. Nous avons pourtant des gendarmes, dans le Var et les Alpes-maritimes, qui ont très bien saisi la gravité de la situation et qui sont motivés pour résoudre le problème mais à qui on ne donne pas les moyens d’enquêter ».

Les exploitant­s interrogen­t les pouvoirs publics : « Faut-il attendre un drame humain pour que cela cesse ? »

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(Photos Clément Tiberghien) Dominique a été victime de plusieurs vols dans le quartier du Péras à Tanneron.

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