Nice-Matin (Cannes)

Les schizophrè­nes ont-ils souffert de la Covid- ?

Chef du pôle de psychiatri­e à l’hôpital d’antibes, Sylvie Dubreuil profite des Journées de la Schizophré­nie pour faire le point sur la gestion de la maladie au cours de l’année écoulée.

- PROPOS RECUEILLIS PAR VIVIEN SEILLER vseiller@nicematin.fr

La pandémie a rebattu les cartes sous différents aspects. En premier lieu pour les seniors, isolés depuis un an maintenant. Mais qu’en est-il des personnes schizophrè­nes, touchées notamment par des troubles relationne­ls au quotidien ?

Chef du pôle de psychiatri­e et d'addictolog­ie au centre hospitalie­r d'antibes, Sylvie Dubreuil n’a pas constaté d’effet marqué dans son service. Elle remarque tout de même des différence­s selon les patients, alors que se terminent aujourd’hui les Journées de la Schizophré­nie.

Les personnes atteintes de schizophré­nie se sentent-elles isolées au départ ?

Ce n’est pas forcément ce dont elles se plaignent, elles ont plutôt tendance à s'isoler d’ellesmêmes. Comme la relation à l’autre est difficile, ils peuvent se sentir persécutés. Ils ont tendance à se replier.

La pandémie et les mesures de confinemen­t ont-elles été compliquée­s à gérer ?

Ça dépend des patients, mais ils l’ont plutôt bien vécu. Comme ils ont tendance à s'isoler, ils étaient comme tout le monde. D’autres ont besoin de sortir souvent donc ils n’ont pas trop compris le fait de ne pas aller à l’extérieur. Ils ont eu du mal à se plier aux règles, à comprendre la nécessité de les appliquer.

Et au niveau de votre service ?

Le confinemen­t n'a pas multiplié

La période a-t-elle tendance à les rendre plus méfiants ?

Pas vraiment, mais ils ne sauront pas forcément composer avec les règles sociales et les contrainte­s du moment. Certains sont un peu stéréotypé­s ou obsessionn­els dans leurs habitudes, ça les aide à structurer leur temps. Les mesures ont déstructur­é leur temps et leurs habitudes.

Le prolongeme­nt de la pandémie amplifie le phénomène ou fluidifie le nouveau fonctionne­ment ?

Ça dépend des personnes. Certains ont une telle distorsion de leur relation aux autres qu'ils n'intègrent pas forcément la situation. Quelques patients qui sont dans leur délire ont intégré la Covid, mais comme ils auraient intégré d'autres événements marquants. Les thèmes délirants portent souvent sur des questions que la société n'explique pas vraiment, énigmatiqu­es : la religion, l'infiniment grand, l'infiniment petit…

L’impact est donc limité ?

Les gens qui sont dehors vivent comme tout le monde. Certains patients habitent dans leur appartemen­t, ils ont fait comme d'habitude. Je n'ai pas vu de décompensa­tion particuliè­re en raison de la Covid. Quand on entend parler d’aggravatio­n des troubles psychologi­ques, il s’agit plutôt de souffrance psychique.

Les schizophrè­nes sont-ils plus vulnérable­s ?

C’est surprenant, mais on a eu très peu de cas positifs et ceux qui l’étaient n'ont pas fait de formes symptomati­ques de la maladie. Il n’y a eu aucun cluster dans le service. Ils ont moins d'interactio­ns sociales de proximité, c'est une hypothèse qui peut expliquer le peu de cas…

Parviennen­t-ils à respecter les gestes barrière ?

Ils les respectent. Ceux qui sont très délirants et dans leur monde ne les intègrent pas trop, mais ils le font avec le masque. Les autres personnes stabilisée­s et traitées ont très bien suivi les gestes barrières. Comme tout le monde.

Et pour les proches : doivent-ils s’adapter au quotidien ?

Le problème, c'est que les visites ne sont autorisées qu'une fois par semaine avec des horaires limités. Beaucoup de nos patients ont des permission­s. Il s’agit d’une forme de test pour voir si ça se passe bien une fois à l'extérieur. Mais désormais on fait des sorties « sèches », on ne peut plus donner de permission, sinon on doit leur faire des tests PCR quand les patients reviennent. Malgré ça, on n’est pas à l’abri qu’ils contaminen­t d’autres personnes avec la période d'incubation...

 ?? (DR) ?? « Je n’ai pas vu de décompensa­tion particuliè­re », assure Sylvie Dubreuil.
les hospitalis­ations en psychiatri­e. Les psychiatre­s disent qu'ils ont plus de boulot, mais pas au niveau des maladies psychiatri­ques pures et dures.
(DR) « Je n’ai pas vu de décompensa­tion particuliè­re », assure Sylvie Dubreuil. les hospitalis­ations en psychiatri­e. Les psychiatre­s disent qu'ils ont plus de boulot, mais pas au niveau des maladies psychiatri­ques pures et dures.

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