Nice-Matin (Cannes)

À Marseille, les frères Guérini sur le gril

-

Jean-noël Guérini a-t-il abusé de son pouvoir pour favoriser l’entreprise de son frère Alexandre ? L’ex-président PS du conseil général des Bouches-du-rhône s’est dit « humilié qu’on remette en cause sa probité », hier, devant le tribunal correction­nel de Marseille.

« J’ai toujours séparé les intérêts privés de mon frère et l’intérêt général, je n’ai jamais mélangé les genres », a affirmé le sénateur, poursuivi pour « prise illégale d’intérêt ». Présent à la barre durant toute une longue matinée, l’ancien homme fort du PS des Bouches-du-rhône s’est défendu pied à pied, documents étalés sur un pupitre devant lui, retrouvant la verve et l’emportemen­t de ses meetings politiques. « Inutile de regarder la salle, c’est le tribunal que vous devez convaincre », a glissé, amusée, la présidente Céline Ballerini.

Mais les témoignage­s d’anciens collaborat­eurs et la diffusion d’écoutes téléphoniq­ues entre lui et son frère l’ont montré apparemmen­t plus sensible aux sollicitat­ions de son cadet qu’il ne l’affirme. Evoquée dans la lettre anonyme à l’origine de l’enquête, la préemption puis la vente par le conseil général des Bouches-du-rhône du terrain de la famille Semaire à la communauté d’agglomérat­ion Garlaban Huveaune Sainte-baume (GHB) est à l’origine des poursuites contre l’élu et son frère.

« Tout le monde savait »

Ce terrain de La Ciotat, mitoyen du centre d’enfouissem­ent de déchets du « Mentaure » exploité par Alexandre Guérini, suscitait alors bien des convoitise­s.

À la barre, le beau-fils de l’ancien propriétai­re du terrain a assuré que sa famille avait subi des pressions pour vendre, « coups de fil anonymes, perte d’une roue de l’un de ses camions sur l’autoroute ». C’est la ville de La Ciotat qui va déclencher les hostilités en annonçant son intention de préempter le terrain Semaire, alors occupé par une décharge sauvage, pour des raisons de sécurité et environnem­entales. Furieux, Jeannoël Guérini décide de faire jouer la prééminenc­e du conseil général pour préempter le terrain. « Il y avait trois raisons à cela, la plus importante était politique », a-t-il dit, évoquant son refus de voir La Ciotat tenue par la droite lui damer le pion.

Pour l’ancien directeur de cabinet de Jeannoël Guérini, Rémy Barges, « tout le monde au cabinet et au conseil général » savait que c’était en réalité « pour aider son frère ». Alors que la préemption du terrain Semaire devait entraîner son gel pendant 10 ans, la préfecture de région ouvre la voie à son utilisatio­n pour agrandir la décharge en publiant en mars 2006 une déclaratio­n d’utilité publique (DUP) d’urgence.

« La maladie du téléphone »

Dans la foulée, le conseil général revend le terrain à la communauté GHB avec laquelle travaille Alexandre Guérini. « J’ai la conscience tranquille », a assuré Jean-noël Guérini soulignant que c’était bien l’état et non lui qui avait changé la destinatio­n du terrain. « Je ne pouvais pas imaginer que cette décision serait prise », a-t-il affirmé. Jean-noël Guérini a-t-il sciemment manoeuvré pour favoriser son frère ? « Jamais je ne me suis occupé de ses entreprise­s », a-t-il martelé même s’il a reconnu avoir souvent été sollicité par son cadet. « Il avait la maladie du téléphone » mais « entre ce qu’il me disait de faire et ce que je faisais, il y avait la Méditerran­ée », a-t-il lancé. Pourtant sur une écoute, on entend le souspréfet d’arles de l’époque, sollicité par l’élu pour un autre terrain convoité par Alexandre, lui expliquer : « Dites à votre frère qu’il prenne contact avec moi, j’arrangerai tout ».

Onze prévenus, dont les deux frères Guérini, sont jugés depuis lundi devant le tribunal correction­nel de Marseille. Le procès doit durer jusqu’au 9 avril.

 ?? (Photo PQR/LA Provence) ?? Jean-noël Guérini.
(Photo PQR/LA Provence) Jean-noël Guérini.

Newspapers in French

Newspapers from France