L’écomusée sous-marin fait débat P
Elles ont pris place il y a quelques semaines entre les deux îles. Un géologue met en doute la valeur écologique des six sculptures immergées. La ville et le CPIE lui répondent.
C’est sympathique, mais ce n’est pas un écomusée… Pour le niçois Bernard Henou, docteur en géologie, l’idée de Jason Decaires Taylor de « mettre des statues style île de Pâques entre 3 et 5 mètres pour distraire les vacanciers l’été » n’a rien à voir avec un écomusée. « C’est un abus de langage. Si tout objet posé au fond de l’eau comme des carcasses de navires, des avions développe la vie marine car elle offre de mutiples cachettes aux différentes espèces animales et végétales marine, un monolithe tout d’un bloc, sans aucun trou, ne participe que très peu à une augmentation de la vie marine et donc à l’écologie », a écrit à notre rédaction et au maire de Cannes, le géologue.
Jason Decaires Taylor est connu dans le monde entier pour sa démarche écolo-artistique, il compte, à son actif, environ 1 000 sculptures à travers le monde dont la plus-value environnementale est systématiquement soulignée.
Restent quelques « taylorsceptiques » qui ne manquent pas d’exposer leurs doutes.
« Pourquoi pas », commente Frédéric Poydenot, directeur du CPIE (centre permanent d’initiatives pour l’environnement) et docteur en océanologie qui incite néanmoins à apprécier le projet sous tous ses aspects (lire l’encadré).
Les inquiétudes de la préfecture, au début
Après tout, on se souvient que, lorsque le projet d’éco-musée avait été divulgué, le préfet des Alpes-maritimes, inquiet de l’impact des sculptures sur la faune et la flore des fonds marins, avait pris un arrêté afin qu’une étude soit réalisée. Il voulait alors être sûr que cet écomusée ne perturbe pas « la biodiversité, les habitats naturels et, potentiellement, plusieurs espèces protégées » notamment les herbiers de posidonie - nécessaires à la préservation de l’écosystème local - situés à proximité.
Cette étude d’impact, la Ville de Cannes avait argué qu’elle l’avait déjà commandée avant de se lancer dans l’aventure. Elle avait donc rédigé un recours gracieux contre l’arrêté préfectoral et avait obtenu gain de cause.
Pour en revenir aux arguments de Bernard Henou, qui pourraient résonner chez d’autres que lui, David Lisnard y répond de manière détaillée. D’abord en rappelant er
que, contrairement à ce qu’avance le scientifique, les sculptures présentent de « multiples aspérités (...) l’arrière des masques, entièrement creux, mais aussi les traits accentués des visages, et les socles de sculptures d’où saillent les pierres naturelles. »
Il insiste aussi sur le fait que la valeur écologique du musée sousmarin ne se limite pas au rôle d’habitat de la faune et la flore.
Un suivi écologique sera assuré
Il faut être clair : de simples roches artificielles posées au fond de l’eau n’attireraient pas le grand public, ne le questionneraient pas sur l’état des fonds marins. Or « l’un des objectifs du musée est justement d’inciter à aller découvrir ce qui se passe à la surface de l’eau, afin de sensibiliser à la nécessité de préserver la biodiversité humaine. » Et en cela, les sculptures de Jason Decaires Taylor remplissent l’objectif par leur grande attractivité.
Enfin, David Lisnard insiste sur le fait que la qualification « environnementale » du musée est également justifiée par le matériau utilisé (du ciment marin écologique à PH neutre), l’emplacement des sculptures (sur un site fortement dégradé par EDF qui a dynamité les lieux pour y poser un câble électrique), l’extension de la zone de non-mouillage autour du site qui permettra de redévelopper les herbiers de posidonies. Il note, pour conclure, que le suivi régulier de l’évolution de la biocénose sur le site d’implantation des sculptures sera assuré par un écologue mandaté par la Ville de Cannes.